Cliquer trois fois. Créer un
fichier. Mettre les trois lettres de son prénom en titre. Gab.doc. Donner du
sens rien qu’avec ces actions simples. Il existe avec la création de ce
fichier. Il existe par les mots. Il existe sans doute bien plus que d’autres.
Samedi soir, alors que je me rendais
chez ces amis que je n’avais pas vus depuis des mois, je crois que je savais.
Je savais que ça n’allait pas se limiter à quelque chose d’anodin. Je ne
sais pas pourquoi. Je m’étais faite belle, j’avais mis cette petite jupe qui
tourne un peu, mes bottes à talons qui font mes jambes plus longues, j’avais
mis un peu plus de noir sur mes yeux. Pourtant, rien ne laissait présager ça. Je
ne le connaissais pas, je l’avais entr’aperçu il y a un an et demi, lors de ce
mariage, alors que je couvais déjà ma dépression. Je venais de me séparer de
Neb et la tempête grondait. Je crois que mon attention alors était toute centrée
sur cette petite boule de tristesse acide que je voulais faire taire et qui me
ravageait l’intérieur.
Samedi soir, il était là. J’ai
découvert un grand garçon franc, bourré de charme et d’humour. Intéressant et
intéressé. Respectueux de tout ce que l’on pouvait dire autour de lui. Taquin mais
sans être lourd. Plein de finesse. Il n’est pas beau, mais dégage quelque chose
qui m’a plu dès les premières minutes. Et la soirée file, trop vite à mon goût.
Je vois nos hôtes fatigués et avec ce constat approche le moment de se quitter.
Lorsque je sors de leur appartement, il reste derrière moi, je vois son sourire
dans l’entrebâillement de la porte et je me dis, alors que je dévale les
escaliers qui me mènent à ma voiture, que je ne le reverrai jamais.
Samedi soir, je rentre chez moi
et envoie à mes deux amis un petit mail de remerciement dans lequel je leur
fais savoir que j’ai adoré faire la connaissance de leurs amis. Le lendemain, je reçois un lien facebook qui
me suggère de devenir «amie» avec lui. Je ne clique pas, je ne veux
pas me précipiter. Je réfléchis devant mon écran lorsque dans mes mails,
quelques secondes plus tard seulement il me demande en «amie».
Ridicule, bien sur, mais mon cœur s’emballe, je pousse de petits cris de joie
seule dans mon appartement. Et après ? Super
ma grande, t’es «amie» avec lui sur facebook, quel pas en avant !
Puis je me dis que c’est toujours mieux que rien, qu’au moins toutes les portes
ne sont pas fermées. C’est avec un sourire et une espèce de sérénité
inexplicable que je me rends chez mes parents avec ma Tine pour le déjeuner
dominicale. Puis la journée file. Dans la soirée part ce petit message anodin pour
Gab dont j’ai déjà parlé lundi. Il n’attendait pas de réponse mais en espérait
une…
Lundi, huit heures de cours et
dans la soirée, mes traditionnelles deux heures de théâtre me permettent de lâcher
toutes les tensions, de partir dans la création. Nous nous retrouvons comme
toujours autour d’un verre et d’un bon petit plat après notre atelier. Ce soir
là, une fois de plus, l’ambiance est bonne, les rires fusent, la bonne humeur
est palpable. J’aime ce groupe, malgré les déceptions qui peuvent être
occasionnées. Je sais que je suis exigeante avec eux, je sais que je ne dois
pas en attendre trop. Et l’Homme aux
mille questions, à ma droite ce soir là, qui prend ma main, qui me dit que
je sens la vanille, qui pique un fard alors que je le regarde juste dans les
yeux et qui m’encourage à boire encore et encore dans son verre, pour savoir à
quoi je pense… Je quitte la périphérie de M. avec ces doutes toujours à son
sujet.
Hier, il répond. Qu’il n’était
pas rentré chez lui, qu’il est désolé d’avoir tardé, qu’il est ravi d’avoir de
mes nouvelles, que je peux passer le voir quand je veux. Il vit à trois heures
de route de chez moi. Je ne réponds pas tout de suite. Hésitante sur le contenu
à apporter à ma réponse, je laisse finalement passer de longues heures de
cours. Mon prétendant, celui qui m’avait embrassée vendredi soir m’appelle
mardi midi. Il me dit qu’il veut me voir, qu’il est disponible en début de
soirée. L’envie n’est pas là, mais je cède.
Après quatre heures de
surveillance, je le rejoins dans un café dont je n’aime pas l’ambiance et la
luminosité crue. Lorsque je m’approche de lui, il attrape ma bouche et m’embrasse.
Je n’aime pas. Un de ces baisers de vieux couple. Manque plus que le «t’as
passé une bonne journée chérie ?». Très peu pour moi. Nous passons
quelques heures ensemble. Nous flânons dans les allées du marché de Noël qui
vient de s’installer dans le centre ville de M. Un vin chaud, quelques sourires
et nous nous installons dans un café où nous mangeons quelques tapas. Je n’ai
pas faim, je regarde l’heure, impatiente de rentrer, je n’avais pas l’intention
de passer la soirée à ses côtés et le fait qu’il m’ait un peu forcé la main m’agace
sans que je ne m’en rende compte. Je me sens nerveuse et je ne parviens pas à m’expliquer
pourquoi. J’ai pourtant toujours aimé les moments passés avec lui. Installés l’un
en face de l’autre, alors que je lui parle avec conviction et fougue de ma
vision de l’enseignement, ses doigts viennent glisser sur mon bras puis sur ma
main. Je ne sais expliquer à quel point ça m’a crispée. J’en avais des envies
de violence. Et je ne sais expliquer pourquoi. Incapable. Il me raccompagne à
ma voiture et m’embrasse encore. Je n’aime pas ça. Toujours pas. Je n’aime pas
ses lèvres, je n’aime pas ressentir ce néant en moi quand elles se posent sur
ma bouche, juste un contact mouillé. Il me dit, alors que je manque de lui
claquer la porte sur les doigts, qu’on peut se voir dimanche soir. Je botte en
touche, je bosse le lendemain, je ne pourrai pas venir à M. Et lui de trouver
la solution miracle : il peut dormir chez moi. Aïe. L’éventualité me met
face à la réalité : je ne veux pas de lui dans mon lit, je ne veux pas de
lui dans ma vie, comment ai-je pu imaginer le contraire ? Je réalise qu’il
n’a d’ailleurs jamais trouvé de « nom » ici… Je fais le trajet de
retour avec ces questions qui volent comme de sales mouches dans habitable de
ma voiture. Et je déteste alors son odeur qui semble figée sur mes lèvres, sur
ma peau, indélébile. Dès mon retour, je me fais couler un bain. Je retrouve le
calme de mon appartement, j’allume mon PC, je mets l’album de J. Tillman découvert
il y a peu. Je me détends, je chasse de mon esprit ces idées.
Puis au détour d’un passage rapide
sur facebook, il est là. Gab. Sa connexion déconne mais pendant près de deux heures,
il m’envoie des messages. Peu de cohérence dans ce que je parviens à comprendre
entre deux interruptions, mais tant d’acharnement. Il veut me parler, il veut
me connaître, mieux, un peu au moins. Comme tout cela est compliqué, je lui
laisse mon numéro et il m’appelle. Et cela se poursuit par deux bonnes heures
au téléphone. Sa voix est tendre, calme, posée et enrouée. J’aime. Je pourrais
l’écouter pendant des heures. Je l’écoute pendant des heures. Et je parle
beaucoup aussi, et facilement je me confie à celui que je ne connais finalement
pas. La confiance est évidente. Nous réalisons que nous avons de nombreux
points communs. Cette passion pour la littérature et l’écriture, pour le théâtre.
Une longue vie de couple derrière nous et une joie retrouvée avec la liberté
qui a suivi, précieuse aujourd’hui. Il me pose des questions, indiscrètes, mais
qui ne me gênent pas. Je raccroche le téléphone vers une heure du matin, avec
un sourire simple sur le visage. Je vais me rouler en boule sous ma couette et
j’ai du mal à trouver le sommeil. Je lui en ai trop dit, je n’aurais pas du…
Ce matin part un petit mail pour
lui faire savoir mes regrets de m’être confiée si facilement, de lui avoir dit
de moi tant de choses que je ne dis pas habituellement, de lui avoir fait
savoir mes doutes, mes craintes, de lui avoir montré mon obscurité. Je me dis
que sans doute pour tant de franchise, je vais être sanctionnée. Je reçois dans
la matinée alors que je suis face à une classe qui quitte la salle pour partir
en pause deux petits messages silencieux qui viennent crier dans ma tête. Le
premier dit merci, ne t’inquiète pas, j’ai aimé. Le deuxième dit encore à quel
point nous sommes pareils. Et je mets alors un masque pour ne pas afficher ce
trop plein de bonne humeur qui m’inonde.
Dans quelques minutes, je vois
notre ami commun. Nous nous retrouvons pour aller boire un verre. Ce sera l’occasion
de tâter le terrain, de savoir si je dois me méfier ou si mon impression de
confiance est la bonne...
Oula ! Micahuete, il me faudra une note pour expliquer à quel point ce n'est pas drôle tous les jours. Oui, il y a des prétendants, oui, c'est flatteur, mais pas tous les jours facile, crois-moi...<br />
Seb, Emma : ;)
M
Micahuète
29/11/2010 21:18
dis donc, autant de prétendants, tu veux pas partager un peu ??<br />
Mais il fait bien un peu rêver le Gab ...<br />
Je mets une option pour récupérer tes restes en te souhaitant qu'il n'y en ait pas ;)
E
Ema
27/11/2010 00:23
C'est toujours si bien écrit que j'ai ressenti plein d'émotion en te lisant. Pour la première fois depuis des mois, tu parles de quelqu'un et on ressent un vrai bien être, et pas tant de questions que ça.<br />
Sonde ton ami, mais demande toi aussi ce que tu veux vraiment, je pense que la réponse est en toi.