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Diane Groseille
15 mars 2010

De surveillance.

copies

Depuis la rentrée, comme il m'a supprimé de nombreuses heures de cours, mon employeur juge sympathique et généreux de me confier la surveillance des examens blancs (payée demi-tarif hein, parce que faut pas abuser non plus). Alors, sur chaque session, je me colle des heures durant dans ces grandes salles silencieuses et je guette. Au début, j'avais sérieusement l'impression d'y perdre mon temps, mais au final, je parviens à trouver cela très intéressant.

Bien entendu, ça me permet de faire tout ce que je ne prends que rarement le temps de faire, ou ce que je fais d'habitude trop vite. Corriger des copies, répondre à mon courrier, renvoyer des mails, finir ce livre posé sur ma table de nuit depuis de longues semaines... Tout cela d'un seul œil, l'autre étant rivé en permanence sur les tricheurs potentiels.

Mais c'est également un spectacle fascinant : observer ces élèves qui sont les miens en pleine concentration. Eux d'habitude si volatils et nonchalants, qu'il est satisfaisant de les voir en pleine recherche de performance. On en verrait presque la fumée s'échapper de leur oreilles, ça tourne à plein régime.

J'aime les voir arriver tôt le matin et installer sur leur table leurs petites bouteilles d'eau, leurs briques de jus de fruit, leur sgâteaux secs et autres barres chocolatées. Et au milieu de tous ces éléments soigneusement alignés, ils semblent également déballer toute leur bonne volonté, comme une concentration d'ingrédients pour réussir. Puis il y a ceux pour qui tout cela ne suffit pas et qui vont y ajouter une touche de chance ou de superstition : petits grigris, peluches installées à côté d'une trousse et dont le regard en plastique veillera sur des heures de travail.

On leur rappelle les règles incontournables : pas de portable, pas de coup d'œil furtif sur la copie du voisin, pas d'échange quel qu'il soit . Il y en a toujours un pour demander à partir de quelle heure ils pourront sortir. Puis, la machine est lancée avec le cérémonial de  l'enveloppe de kraft décachetée. Distribution des sujets.

Pendant les minutes qui suivent, c'est la découverte : les fronts lourds se penchent sur des énoncés qui semblent pondus pour les torturer. Les sourcils se froncent, les ongles sont rongés frénétiquement, les mains se frottent et les jambes semblent agitées de spasmes. Les premiers stylos commencent à gratter. On chiffonne un brouillon par ici, on barbouille du typex par là, on rature sauvagement au dernier rang.

Les heures passent. Chacun est sur sa lancée, dans son monde de réflexion, échafaudant mentalement la structure de son devoir, perdu dans ses pensées. On commence à bailler, à s'étirer, les paupières se font lourdes et la concentration fout le camp. Certains s'accordent une pause, grignotant un biscuit, rêvassant un instant, le regard perdu dans le vide, d'autres piquent même du nez. Je n'interviens pas, ils doivent gérer leur temps. Et j'avoue que ce spectacle me plait. Parfois, je vois dans cette réflexion intense apparaître leurs visages d'enfants : celui qui va mâchouiller son stylo, celui qui va tirer la langue en s'appliquant, l'autre qui enroule autour de ses doigt une mèche de cheveux, inlassablement...

Puis vient le moment où les premières copies sont rendues. Certains qui ont fini depuis un moment, déjà remballé toutes leurs affaires, attendent l'heure autorisée de sortie, les bras croisés. Ils s'échappent dès que c'est possible. Le premier suscite toujours un regard des autres, à la fois admiratif ( "il a déjà fini, mais comment a-t-il fait ?") et soupçonneux ("s'il sort déjà, c'est qu'il a rien capté au sujet !" ). Progressivement, la salle se vide. Les derniers regardent leur montre et semblent paniqués par le temps qui passe. Puis vient le fatal "posez vos stylos, c'est l'heure !". La salle se vide, on les entend faire des commentaires en sortant, échanger sur ce que chacun a pu faire.

Finalement, j'aime ces moments : c'est une telle rupture dans ce que j'ai l'habitude de faire. Il y a quelque chose de doux à les observer ainsi...

cours_et_smarties

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E
C'est exactement ce que je ressens à chaque surveillance du Brevet des collèges.
Diane Groseille
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