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Diane Groseille
13 février 2015

Se lever et dire la paix.

J'étais dans une voiture, sur la route, sur le point de m'insérer sur une voie rapide. J'ai trouvé le silence pesant, j'ai allumé la radio. En entendant les faits égrenés par cette voix féminine qui disait toute la gravité en appuyant chaque consonne, j'ai dit "encore", c'était mon premier mot. Ensuite, je suis restée presque muette, longtemps, de longues heures, de longs jours. Est-ce que je me souviendrai toute ma vie de ce 7 janvier, comme de ce 11 septembre 2001, où devant France 3 je voyais la fumée noire et opaque trouer un ciel bleu ?

Plus tard, j'ai eu peur, bien sur. Je me suis sentie seule et triste. Basculer dans un silence mental solitaire et incompréhensible.

Le dimanche 11 janvier, je suis allée marcher avec Gab. Je me suis demandé où étaient tous ces gens les derniers mois, alors qu'autour de nous l'islamophobie, l'antisémtisme et la xénophobie sous toutes ses formes alimentaient le débat public. Je me suis demandé où j'étais, moi, pourquoi j'étais restée silencieuse, pourquoi j'avais laissé faire ça. 

Gab m'a dit ce jour là sa méfiance, là où il ne voulait pas se réjouir trop vite. Je lui en ai voulu de gâcher avec ses mots ce moment si particulier, où pouvait naître un espoir fou et violent. Je ne voulais pas entendre de projections "demain", pour n'écouter que cette voie unique et forte. Mais je savais, intimement, que nous n'étions pas tous un seul. Ce même jour, j'ai passé une bonne partie de l'après-midi à me saouler d'images du monde entier, hypnotisée par des messages de tristesse mêlée de colère et d'espoir. Les slogans et les visages hagards ont défilé sur mon écran, miroir de moi-même, laissant filer de longues heures oisives et creuses. J'ai essayé de comprendre ce qui ne s'explique pas vraiment.

Plus que jamais, je comprends "l'amour qui peut sauver le monde". Je crois, avec force, que c'est notre seule solution.

La semaine suivante, j'ai souhaité évoqué le sujet avec une de mes classes dont la séquence en cours portait sur l'image? C'est sous cet angle que j'ai lancé le débat. Depuis mercredi 7 janvier, des questions avaient forcément été posées par plusieurs étudiants, qui dans l'ensemble connaissent mal, voire pas du tout Charlie Hebdo. Mais ce matin, c'était un peu différent. Très vite, les propos tenus sont affirmatifs, radicaux et écoeurants. Effrayants. Les idées s'éloignent vite de la question de la liberté d'expression et du pouvoir de l'image et malgré ma volonté de recentrer le débat, certains s'égarent. Lorsque la difficulté de l'intégration est évoquée par certains, on y répond par les termes "expulsion", ou pire encore "désintégration". Ce n'est même pas un amalgame maladroit qui est fait alors mais une imbrication volontaire et systématique. Les paroles sont nourries de peur et de haine.

Plus d'un moi s'est écoulé. Qui est encore vraiment Charlie ? Chacun est redevenu un autre, indifférent, silencieux.

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J'étais là tu vois,
lui à côté de moi,
on avait 6 ans,
on jouait comme des enfants
au docteur, au docteur
j'étais là je voyais sur son corps
les plais, les marques, les bleus,
j'en croyais pas mes yeux, mes yeux
Et lui qui m'disait j'suis un dur tu vois mes brûlures, là sur mes bras
j'lai sens pas, j'lai sens pas.
J'étais là j'ai rien dis
et puis j'suis partie de chez lui,
si j'y suis retournée? plus jamais, plus jamais
J'étais là comme lui, j'avais 15 ans à peine
on était dans la cave chez ses parents,
je l'aimais tant, faut dire qu'il était beau
mais il se piquait mon héros à l'héro
J'étais là quand sa mère est venue nous dire
ça y est on l'enterre lundi, lundi
J'ai pleuré bien sûr oui j'ai pleuré
puis j'ai recommencé à traîner dehors, dehors


J'étais là en octobre 80,
après la bombe de Copernic,
oui j'étais à la manif, avec tout mes copains
J'étais là, c'est vrai qu'on n'y comprenait rien,
mais on trouvait ça bien, ça bien.
Oui j'étais là pour aider pour le SIDA,
les sans papier, j'ai chanté, chanté
Sûr que j'étais là pour faire la fête
et j'ai levé mon verre à ceux qui n'ont plus rien
encore un verre, on n'y peut rien
j'étais là devant ma télé à 20H,
j'ai vu le monde s'agiter, s'agiter
j'étais là, je savais tout de la Somalie
du Bangladesh et du Rwanda, j'étais là
J'ai bien vu le sort que le NORD réserve au SUD
bien compris le mépris,
j'étais là pour compter les morts.
J'étais là et je n'ai rien fait
et je n'ai rien fait
j'étais là pourtant j'étais là et je n'ai rien fait
je n'ai rien fait

*

Zazie

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12 janvier 2015

Mon hiver orphelin.

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25 novembre 2014

Les gens.

"On est tous le con de queqlu'un"

Pierre Perret

*

La semaine dernière, c'était la journée de la gentillesse (Du latin gentilis (« de la famille, de (la) race »), dérivé de gens (« race, tribu, nation, famille »)). On a tous rencontré quelqu'un qui a su caser le bon mot " ça veut dire que 364 jours dans l'année, tu peux être méchant" (notez que cet argument marche aussi pour la journée de la femme, de la lutte contre le tabagisme, du refus de la misère, y'a juste à adapter un tant soi peu). On nous fait savoir qu'on doit être gentil avec les gens.

Les gens (masse informe, indéfinie et envahissante) sont omniprésents. Les gens, ce sont ceux qu'on ne connaît pas. Mais notre monde est construit de telle sorte que sans les connaître, ils sont toujours là autour de nous et que sans le vouloir, on partage de petits bouts de notre quotidien avec eux. Les gens ont tous les torts. Les gens sont cons, les gens sont faux, les gens sont radins, les gens sont fous, les gens sont méchants, les gens sont hypocrites, les gens sont jaloux, les gens sont mauvais, les gens sont des moutons, les gens sont dangereux...

J'ai vu des gens qui laissaient leur gosses brailler dans les rayons d'un supermarché. Je connais des gens qui trient même pas leur déchets. Parfois, les gens n'ont pas de scrupules à ne pas mettre leur clignotant dans les ronds-points. Les gens croient qu'ils sont tout seuls sur la route. Les gens me rendent dingues au cinéma quant ils font du bruit avec leur pop corn. Les gens sont incapables de te décrocher un sourire. Les gens qui parlent fort au téléphone dans un lieu public sont vraiment sans gène.

Les gens sont différents de moi. Les gens profitent du système. Les gens n'ont pas honte d'être pauvres. Les gens aimeraient que tout leur tombe tout cuit dans le bec. Les gens sont des menaces. Les gens sont des assistés. Les gens viennent d'ailleurs. Je ne comprends pas les gens. Je n'aime pas les gens. J'ai peur des gens. Il faudrait supprimer les gens.

Les gens, c'est les autres.

Mais tu es les gens. Je suis les gens.

main-blanche

1 septembre 2014

Mariage heureux.

C'est un soir d'été qu'on annonce pluvieux. Pourtant les épaules des convives sont dorées, parfois même rougies par l'émotion et le soleil. La magie du lieu fait pousser des Oh" de surprise et de "Ah" de plaisir. Les couleurs et les codes s'emballent et trépignent de bonheur : un mirabellier aux fruits roses, un agneau noir de trois jours, une mariée pieds nus, un baiser lointain sur les vagues de la colline, des jupes qui volent et des sachets de thé sur cartes postales... Les sourires se répondent et le temps se suspend à la ligne verte des montagnes. L'espace du temps d'un double oui, c'est le partage d'un projet de vie.

Le lendemain, autour d'une autre table, j'ai levé un verre de bulles aux quarante ans de mariage de mes parents.

Moi qui ai souvent vociféré et grogné pour faire savoir à quel point je détestais les mariages, j'ai trouvé cet été un peu de beauté, un peu de sens.

coiffure

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pieds1

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***

 

20 août 2014

O Capitaine, mon capitaine !

Ô Capitaine ! Mon Capitaine !
Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Notre voyage effroyable est terminé
Le vaisseau a franchi tous les caps, la récompense recherchée est gagnée
Le port est proche, j'entends les cloches, la foule qui exulte,
Pendant que les yeux suivent la quille franche, le vaisseau lugubre et audacieux.
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Ô les gouttes rouges qui saignent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu, froid et sans vie.
Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Lève-toi pour écouter les cloches.
Lève-toi: pour toi le drapeau est hissé, pour toi le clairon trille,
Pour toi les bouquets et guirlandes enrubannées, pour toi les rives noires de monde,
Elle appelle vers toi, la masse ondulante, leurs visages passionnés se tournent:
Ici, Capitaine ! Cher père !
Ce bras passé sous ta tête,
C'est un rêve que sur le pont
Tu es étendu, froid et sans vie.
Mon Capitaine ne répond pas, ses lèvres sont livides et immobiles;
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a plus pouls ni volonté.
Le navire est ancré sain et sauf, son périple clos et conclu.
De l'effrayante traversée le navire rentre victorieux avec son trophée.
Ô rives, exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas lugubre,
J'arpente le pont où gît mon capitaine,
Étendu, froid et sans vie.
W. Whitman
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22 juillet 2014

Fragments de chemin.

Un soir d'été, dans la diagonale du territoire, après une longue balade à travers champs, loin de tout, loin du temps, écouter des fragments de Fragment d'un discours amoureux de Roland Barthes par le talentueux Guillaume Galienne

coquelicots

Au passage, je me dis depuis notre arrivée ici sur ce sol breton que les petits chemins, les grands champs et la lumière écrasante ont quelque chose de l'été du Grand Chemin de Jean Loup Hubert.

J'aurais aussi pu parler d'Après la guerre du même réalisateur ou de l'Eté meurtrier avec Souchon. Petits villages de province, de campagne, qui semblent n'être pas touchés par le progrès, la modernité. Ici, nous vivons depuis quelques jours dans un hameau, les maison ne se regardent pas, les façades attendent. Très peu de gens, parfois une voix au loin. Et si peu d'indices pour nous rappeler qu'on est en 2014 (un panneau solaire sur un toit, une kangoo garée devant une maison, le générique d'une emission télé en passant devant une fenêtre ouverte...)

3 juillet 2014

Comment casser son image.

Une station service au bord d'une route très fréquentée, en sort une jeune femme splendide, perchée sur des escarpins qui semblent le prolongement de ses longues jambes brunes. Elle ne marche pas, elle danse pour rejoindre sa voiture, une superbe Porsche 911 Carrera rouge (majuscules s'il vous plaît) garée en diagonale sur le parking. Sa chevelure ondulée accentue un port de tête majestueux et ses lunettes de soleil laissent imaginer un regard de star. Elle s'installe au volant du bolide, en claque la porte et cherche son reflet dans le rétroviseur. Elle attrape son sac, son smartphone qu'elle tapote, semble attendre quelqu'un ou quelque chose. Puis arrive le drame : en quelques secondes, l'image se disloque. Elle fourre son index droit dans son nez, le ressort, observe au bout de son doigt ce qui ne peut malheureusement pas être autre chose qu'une crotte de nez, inspecte méticuleusement la prise et... La gobe.

Assise à quelques mètres de là, j'en reste bouche bée. L'élégance incarnée vient de se muer sous mes yeux en une harpie obscène. Je viens d'assister à une transformation digne des plus belles scènes de Miyazaki, en pleine rue.

mini-jupe

***

 

 

28 juin 2014

Des lacs & des montagnes.

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27 juin 2014

Une journée de puces.

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lecteur3

livre1

Deux jours sur un trottoir, pour y vendre des livres. Deux jours sous le soleil d'une grande ville, la poussière sèche soulevée par les passages lents, ni vraiment dedans (pas de murs, pas de toit), ni vraiment dehors (un espace limité par le bord de la route, les limites du stand, cette ligne de pavés). Une attente. De l'acheteur, du moment d'un repas pris sur un coin de table, de la prochaine pause pipi, de la fin. Mais aussi le temps qui s'étire, qui s'effiloche comme un tissu déchiré. Et au-dessus de nous le disque de l'église qui temporise. Alors, prendre le temps. Ouvrir un livre, parmi les milliers exposés ici. Toutes ces couvertures bien alignées qui cachent des univers de mots. Sous chaque dos cartonné se recroqueville une histoire, un effort, un monde. Alors parfois feuilleter, sans perdre de vue le stand et gloutonner juste quelques lignes, sorties de leur contexte, les laisser ensuite se fondre et se diluer dans une imagination qui pour une fois n'a pas besoin de se concentrer sur un cadre. Puis c'est ça, hors cadre, avec ce temps qui fait des fils, on a de la place. On regarde les gens aussi, on leur imagine une vie, une identité, des envies et leurs frustrations. On les voit jouer la comédie du dehors, celle qui impose une image. On peut prendre le temps de voir aussi comment ils sont vraiment, ces stries de lumière qui passe à travers le masque. On a envie de les dessiner, et d'ailleurs, on le fait, sur un petit bloc, papier trop fin. On capte le mouvement d'une jupe, un regard derrière d'épaisses lunettes, une barbiche, des bras croisés trop serrés. Ce sont tous des lecteurs, une espèce de communauté qui se reconnaît. Qu'il lise de la BD ou de l'esothérisme, qu'il soit bibliophile ou fan de Marc Levy, le lecteur partage quelque chose avec tous les autres lecteurs. Cet amour de l'objet, celui qu'on va ouvrir, renifler, caresser, celui qui nous fait des promesses... Il est en quête de la "bonne" promesse, de ce petit livre qui, pour quelques euros saura lui donner satisafaction. On discute aussi, on s'écoute, on commente, on chipote, on réfute, on concède, on rit. On attend. A la fin des deux jours, la peau tannée et les jambes crayeuses, on remet chaque univers non adopté dans un carton, jusqu'à la prochaine fois...

2 juin 2014

Une sieste.

Allongée. Pièce obscure, rideaux tirés. Dehors, le vent se lève annonçant l'orage qui mettra fin à de longues heures trop chaudes. J'entends le bruit de la rue, de cette journée de semaine, moteurs et klaxons, voix sur un trottoir, échanges de banalités, cris aigus et excités de cour de récréation à deux patés de maison. Toute cette compote de bruits est étouffée par les voilages et les ombres de la chambre. Ici, presque le silence. Et qu'il est doux et précieux, alors que le dehors court pour répondre aux urgences du quotidien, aux injonctions de la ponctualité, aux exigences sournoises de la bienséance, de se laisser aller à la somnolence d'un moment creux, suspendu.

olivier-volet

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