Artificiel.
Je vais mieux. Je le chuchote car j'ai peur que le dire trop fort ne fasse vaciller cette stabilité qui semble revenue. J'ai peur aussi que tout ça ne soit pas moi-même, mais les simples réactions chimiques que les médicaments provoquent sur mon cerveau. Pourtant je recommence à m'entendre avec celle que je deviens. Alors, je me dis que sans doute, je n'étais pas moi-même avant. J'ai tellement peur que cette force qui gonfle lentement à l'intérieur de moi ne soit qu'un leurre.
J'ai laissé filer les deux saisons que je préfère, enfermée à l'intérieur de ma tête. Je n'ai pas vu l'herbe vert tendre du mois d'avril, les cerisiers et les magnolias en fleurs. Je n'ai pas vu la lumière des journées les plus longues de l'année, j'étais alors plongée dans l'obscurité. J'ai l'impression maintenant que ces deux saisons ont duré une éternité. Et en même temps ce n'est qu'une longue parenthèse creuse. Du temps gâché.
Mais j'essaye de rattraper ce qui a été perdu. Je sais à nouveau sortir de mon cocon. Et pas seulement pour aller travailler. Je sais m'investir auprès des gens qui m 'entourent, les écouter, me détacher de moi-même. Je sais à nouveau donner et recevoir. Je sais oublier les angoisses de la veille, celles qui me rongeaient. Je sais même sourire et rire parfois.
Puis dans cette tempête, j'ai aussi perdu des choses auxquelles je ne tenais pas. Les angoisses liées à Neb, celles qu'il me transmettait sans le vouloir. Et quelques lourds kilos qui en s'envolant ont affiné très nettement ma silhouette. Je me sens plus légère.
Et j'ai des centaines de mots, d'histoires qui naissent à nouveau derrière mes yeux clos et que je ne vais pas tarder à coucher ici.