Le temps d'une traversée.
L'eau turquoise du bassin porte mon corps. Mes jambes se déplient, une poussée de mes pieds contre le carrelage bleu m'allonge sur les milliers de vaguelettes. Je suis sur le dos et ce ne sont que quelques battements qui me déplacent, légère, oubliée par la gravité. Les yeux vers le ciel, bleu net. Il se découpe dans la frange vert foncé des pins parasols. Une petite lune claire sourit dans l'azur. Deux larges goélands fendent d'une diagonale l'immensité. Sur le bord, en tournant à peine la tête, je devine mes amis sur les canapés, mon chien couché sur les dalles chaudes, le jus de mangue orange vif posé sur la table basse. Je suis sourde de paix, je ne perçois que les vibrations régulières de l'eau sur les bords du bassin.
Le lecteur.
Une salle de classe, quinze élèves, des têtes baissées sur des copies qui viennent d'être distribuées et qui seront ramassées. Un contrôle de lecture sur le livre de Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh. Une vingtaine de questions simples pour qui a lu. La première, un cadeau, pour y répondre, on n'avait même pas besoin d'ouvrir le livre (que je suis gentille et bienveillante !) : il faut me donner le nom de l'auteur. Un élève lève la tête et avec toute sa sincérité me beugle " Mais Madame, vous aviez pas précisé qu'il fallait lire la couverture !"
Je fais un métier formidable.
Inquiétude.
L'inquiétude est ma matière grise.
Elle est cette tension qui me brise.
Elle s'insinue où jamais on ne l'attend,
Dans les interstices de chaque instant.
Elle est irritation, comme l'étiquette d'une chemise,
La lanière d'une sandale, la poignée d’une valise,
Et sans prévenir elle devient douleur ou sang.
Elle fait du passé et du futur le présent,
Pour écraser le moment.
Incantation de craintes,
Chant de lamentation.
«S’inquiéter, c’est comme prier pour ce qu’on ne veut pas»
Ménage de printemps.
J'ai changé le fond, un peu la forme. Puis j'ai comme d'habitude envie de revenir écrire plus souvent. Mais je trouvais le "lieu" un peu poussiéreux. Alors j'ai mis de l'ordre et du frais. Puis m'est venue l'idée de trier mes "liens". Toute cette colonne de droite sur laquelle je cliquais frénétiquement fut un temps. Drôle d'impressions... De constater que certaines pages n'ont pas changé, qu'elles continuent à avancer, ou qu'au contraire, elles se sont éteintes, épuisées. J'ai supprimé une bonne partie. Ça m'a fait comme de jeter de vieille boîtes pleine d'une correspondance passée. Je laissais ces liens inactifs ici, comme tous ces objets que je garde (ticket de métro, places de concert, mots doux sur une serviette en papier...), comme une trace de mémoire.
J'ai commencé à écrire ici il y a dix ans cette année. Le format était alors révolutionnaire. Mais dépassé aujourd'hui, par les réseaux sociaux et toutes ces communautés virtuelles bien plus avant-gardistes. Pourtant, je veux maintenir Diane en vie. Je lui trouve presque un charme et peu désuet.