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Diane Groseille

1 juillet 2016

Abeille, petit insecte capable de fabriquer du ciel*.

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* Pef, Dictionnaire des mots tordus

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1 juillet 2016

La déstruction.

Qu'il est difficile de dire, d'écrire, de crier la douleur intérieure.

Celle qui ne se voit pas, mais dont les mots/maux s'époumonent et hurlent au dedans.

Depuis un mois maintenant, à grand renfort de médicaments, on a soulagé ce mal, il est en sommeil, il se tait, je ne pleure plus, je ne dis rien, je dors beaucoup, mais je sais que la bestiole est toujours là, tapie dans l'ombre de mon apaisement.

Il y a quelques jours, une amie m'a signalé la diffusion d'une émission Dans les yeux d'Olivier, je l'ai regardé et des larmes ont coulé, en continu, durant toute la durée de ces témoignages. Ces gens, détruits, formulaient mes mots, mes blessures, ma démolition.

 

7 mai 2016

Une ouverture.

C'est une porte qui s'ouvre.  Sur de la lumière, sur de l'air frais. Sur la suite.

C'est un éclatement intérieur qui vient souffler du néant.

C'est du sens soudain dans un vide de tout.

C'est une quête nouvelle.

C'est de l'espoir.

C'est beau.

 ***

6 mai 2016

"Je ne vois personne".

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***

Quand on souffre, on se perd, on coule, on est pris dans le courant, on essaye de s'accrocher aux branches, pour ne pas sombrer complètement. On est seul, contre tous, contre soi-même. On entend à peine le soutien, les échos des paroles apaisantes, le murmure de ceux qui veulent aider se perd dans la douleur. .

Pourtant, autour de moi, des dizaines de bonnes volontés. Les mots se trouvent réconfortants. Je veux bien admettre que je suis "malade", et que ça se soigne. Je concède. Parce que c'est plus simple à accepter que l'échec. Alors, de loin me vient cette multiplication de "guides". Et chacun y va de son "bon" conseil. Ça commence en général par "tu vois quelqu'un ?"...

... Arrive ensuite un patchwork des plus colorés...

 

"J'ai vu un accupuncteur, quelqu'un de merveilleux, je me suis sentie très fatiguée tout de suite après et ensuite, tout allait mieux"

"C'est une kinésiologue, tu verras, elle est très efficace"

"Repose-toi, dors, ça va passer tout seul"

"Il m'a manipulé, je ne lui ai même pas parlé et il m'a dit que tout ça remontait à 7 ans, quand j'ai rompu avec mon ex, il dit que je porte encore cette culpabilité physiquement"

"Seroplex, c'est radical"

"Il faut que tu te fasses suivre"

"Je fais de la danse intuitive, ça a changé ma vie"

"Il te faut une psychanalyse, une vraie"

"Les accords toltèques, c'est bouleversant"

" Un psychiatre, je te dis, les psychologues, c'est pas remboursé"

"Attaque, va aux prud'hommes, bats-toi, ça va te permettre d'extérioriser toute cette colère. Le reste, c'est des foutaises"

"Ne fais rien, plus rien, attends, prends le temps"

"Ma soeur a vu un sophrologue fantastique, il l'a conseillé sur son alimentation, son sommeil et depuis elle n'est plus la même"

"Il a vu un type qui fait de la médecine chinoise, rien que des plantes, c'est sensationnel"

"T'as essayé l'homéopathie ?"

"Moi, j'ai fait une détox sévère et je suis passée au cru, tu sais, il parait que tout vient du ventre, on est ce qu'on bouffe"

"Y'a dix ans, j'ai fait Compostelle, je me suis retrouvé. Marche, y'a que ça de vrai"

"Et sinon, je connais une somatothérapeute, tu veux son adresse ?"

***

Face à ce torrent de bonnes volontés, je me suis perdues dans mon torrent de désespoir. Plutôt que de choisir, pendant de longues semaines, je n'ai rien fait. J'ai boudé les antidépresseurs que m'avait prescrits mon médecin et je n'ai contacté personne. JE N'AI VU PERSONNE. J'ai complètement bloqué sur l'idée de "me faire suivre" et de "voir quelqu'un". Sans doute trop de clichés associés à toutes ces notions. D'un côté, le stéréotype du psy classique et moi sur un divan, de l'autre, une espèce de belle soupe de développement personnel à tendance "dérive sectaire" qui ne m'attire pas du tout. Dans le doute, on est con, on s'abstient. Et quand on constate que, oh merde, ça passe pas tout seul, et bien il faut bien prendre une direction. Un remplaçant de mon médecin m'a aiguillée vers le millepertuis qui d'après lui avait fait ses preuves à fortes doses. Puis j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai eu la chance de trouver un psy prêt à me prendre dans un mois et demi (il semblerait que ce soit proche du miracle) et remboursé par la sécu. J'ai pas fait grand chose, mais ça m'a semblé insurmontable. maintenant, j'attends.

***

J'ai relu les mots abandonnés ici il y a 7 ans, alors que je vivais ma première dépression. J'y vois toute l'innocence de cette première rencontre avec la bestiole. Je n'avais alors pas voulu la nommer, pendant des mois, j'ai voulu croire à autre chose : simplement ce corps trop lâche qui me lâche. Puis il a fallu admettre, je tombais de la hauteur de mes certitudes. Moi ? Forte et courageuse ? Dépressive ? Je me suis alors soignée à "grands coups" d'antidépresseurs (doses de cheval pour état inquiétant). Les mots ont manqué, on a masqué les maux. Je me suis jetée à corps et à esprit perdus dans une nouvelle vie, celle sans Neb, parce qu'il fallait reconstruire. Mais sans doute que les bases étaient fragiles. Le chimique a permis de se relever, aveugle. Sur les mois, et même les années qui ont suivi, j'ai souvent été guettée par cette peur de la rechute. Elle me scrutait, je l'apercevais souvent dans un geste, une émotion, une fatigue. Puis j'ai arrêté de me questionner, j'ai avancé, les yeux fermés.

En regardant dans le rétro, elle a toujours été là. Je crois, qu'une dépression est une bestiole qui vous suit. Elle attend la faille pour se jeter sur sa proie. Je regarde les sept années écoulées et je crois que des dizaines de fois, j'aurais pu basculer, j'ai douté, je me suis battue sans le savoir. Je me souviens de la Grèce en 2011, où si fatiguée, je partais sur les Cyclades pour m'y perdre. La bestiole avait sans doute trouvé sa place dans mon sac à dos. Je me souviens de ces hivers interminables durant lesquels j'ai douté de tout, elle était là, dans le manque de lumière et de confiance. Je me souviens de cette rupture avec Gab en 2012, démunie, épuisée, anéantie. Bien sur qu'elle était là, la bestiole.

Aujourd'hui, elle ne se cache pas, elle m'a eue. J'ai perdu. Elle est installée à côté de moi sur ce banc en bois au moment même où j'écris ces quelques mots, elle me sourit, satisfaite.

 

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***

 

5 mai 2016

Sardinia.

En janvier, en pleine course absurde et déraisonnable. Gab me dit "calme-toi, ça va bien se passer". Il me fait le décompte de "ce qui reste". Je me sens comme un boxeur sur un ring, je viens me poser, défoncée, les idées en sang, entre deux raclées interminables, sur le petit tabouret dans l'angle droit et je crache ma fatigue et ma tristesse dans une bassine. Il me dit "tu sais quoi ? Il te faut des vacances".

Une soirée noire, entre deux paquets de copies à corriger, traces de stylo rouge sur ma vie, nous réservons une semaine en Sardaigne. Les images de ces plages paradisiaques viennent s'imprimer quelques secondes à peine sur fond de douleur, comme un ailleurs de dessin animé, un monde qui n'exsite pas. Commence alors le vrai décompte, que Gab n'oublie pas, qui me semble irréel. "Courage, il te reste trois mois". J'entends, "baisse pas les bras, ça va durer 10 ans".

Entre temps, j'ai été déclarée KO debout. Je suis descendue du ring (on m'a poussée de force) et j'ai continué à morfler. Puis est arrivé ce 8 avril, jour de ma fête, jour de départ. Je ne l'avais pas préparé, je n'y avais même pas pensé. Valise vide, tête vide. Cet espoir d'exotisme aurait pu panser ma souffrance, mais c'était comme mettre un sparadrap Dora l'exploratrice sur la gueule explosée de Mohamed Ali. Alors, soudain, on est montés dans un avion, et on a débarqué une heure et demi plus tard sur ces plages qui n'existaient qu'en A6, couleurs trop saturées, trop contrastées.

Dans la réalité, nous étions juste à côté de la carte postale. La saison n'avait pas commencé, les touristes se comptaient sur les doigts de l'hotesse qui nous annonçait qu'il faisait 25°C à Olbia. Nous avons erré dans les rues de cette bourgade qui n'a presque pas de raison d'être sans ses touristes. Puis nous avons loué une petite fiat 500 qui nous a menés où nous voulions, sous le soleil juste en dessous, là où le ciel et la mer s'embrassent. Cités balnéaires désertiques, plages de naufragés solitaires, résidences "fantôme".

Qu'il fut étrange de retrouver, à mes côtés, si loin de mon univers, la bestiole, fidèle au poste, efficace, collée à mes basques. En regardant les photos, parfois, il me semble voir son ombre dans toute cette luminosité.

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25 avril 2016

Des maux & mes pas - La pénombre.

 

montagnes1Un matin, le vent. Fin novembre.

Si un film existait sur ma vie des derniers mois, on y verrait des images en boucle. La nuit, la pluie, toujours les mêmes gestes, les mêmes trajets. La clé sur le contact, mes pas dans les couloirs, lumière artificielle, un stylo rouge sur une copie qui gribouille à l'infini, les réveils automatiques et cauchemardesques. Pas de visage. Pas de regard. Pas de paroles.

J'ai d'abord cru à une période de fatigue, à cette simple difficulté, légitime, à faire face à un emploi du temps ingérable, impossible. Souvent, on me demande comment j'arrive à en faire autant, comment je fais. Alors quand je peine, je me dis d'abord que bien sur, c'est normal. Puis c'est l'hiver, la lumière s'éteint, je pars le matin dans la nuit, je reviens sans avoir parfois vu un rayon de soleil, mon travail de la journée éclairé par des néons.

Le travail, mon métier, est devenu torture. Non seulement il a perdu de son sens, mais il me fait mal. Il me tiraille, il me pousse hors de ma propre vie, il exige de moi ce que je ne peux plus, des heures et des heures d'efforts, construction de cours, élaboration de supports, bulletins, validation de notes, commentaires remarques individuelles, remarques générales, retours de mails, présence sur les conseils de classes... La barque est trop pleine. La barque peine. La barque coule.

Souvent, alors que je tente de mettre en relief mes maux, de les comprendre, je veux voir un sens à l'accident / l'incident récent. Car je cherche des explications cohérentes et raisonnées à ce qui ne peut l'être complètement. Je souffre encore beaucoup de ce que je considère comme un échec : la perte de ce petit être qui n'était pas encore vraiment une vie, un truc en devenir. J'ai repris le travail vite, pour anesthésier tout ça, pour éviter de cogiter, parce qu'il fallait que ça aille mieux. Je regarde d'au-dessus cette année 2015. Une année bien difficile. Beaucoup d'inquiétudes (l'opération de mon Lu, mon nouveau job), beaucoup de choix difficiles (quitter un employeur, en "adopter" un nouveau, créer une boîte), beaucoup de peine (le deuil en exponentiel, des séparations autour de nous, de celles qui ne nous appartiennent pas mais qu'on subit en voyant une personne chère s'éloigner), beaucoup de drames (individuels, collectifs), beaucoup de tensions. Puis peu de repos, peu d'exotisme, pas de "vacances", pas de recul...

***

Un matin, le vent - Janvier.

Je suis déjà debout depuis trois bonnes heures, j'ai déjà corrigé deux paquets de copies, j'ai parcouru en voiture, en pilote automatique, les quelque 50 kilomètres qui me séparent de mon lieu de travail du jeudi. Comme souvent le matin, pas assez reposée, pas assez objective, j'ai pleuré au volant, dans cet habitacle, seule cellule où, semble-t-il, je me retrouve un peu moi-même. J'ai garé ma voiture, loin, pour ne pas payer toute la journée, et je traverse cette ville dans la pénombre, chargée de mes sacs (de toute cette organisation lourde et embarrassante, de tout ce poids, de toutes ces questions, de toute cette perte de sens). Mais j'avance. Avec cette certitude "si tu avances, tu ne tombes pas". Je suis sur le trottoir, à l'arrêt, je regarde les lignes au sol et le petit bonhomme rouge en face, bras et jambes tendues. Je suis le petit bonhomme rouge devant ces lignes tracées au sol. Il fait toujours nuit. Il fait nuit dans ma vie. Le flot continu des voitures, les lignes persistantes tracées par la lumière des phares mouillés. Au loin, une sirène, stridente, du bleu découpé dans le champ de vision, et sans m'en rendre compte, je fais deux pas sur la route. Un. Deux. Et sans m'en rendre compte, je dis, à voix haute me semble-t-il "arrêtez-moi". Dans ma tête, ça prend le sens de "arrêtez ça". Une voiture fait un écart, je recule, je remonte sur le trottoir, où j'attendais et je réalise ma bêtise, le ridicule de la situation. Je crois que je me suis dit, un instant, que c'était une solution pour ne pas affronter ma journée et celles qui allaient suivre. Il ne s'est rien passé. J'ai fait ensuite les pas lourds qui me séparaient de mes salles de classe et j'ai assuré les heures de cours de cette longue journée et de celles qui devaient suivre.

Mes journées de cours ressemblent à des gouffres dans lesquels je me jette chaque matin. Parfois, sérieusement, en claquant la porte derrière moi, très tôt, je ne suis pas tout à fait sure de rentrer le soir. Et j'ai souvent le sentiment en poussant ma porte le soir que plusieurs jours se sont écoulés, que mes heures se sont étirées, souffrantes, malades. Je reviens creuse, vidée, épuisée, VIEILLIE. Je me suis dit l'autre soir que chaque journée était comme cette péripétie du film Interstellar de la planète "eau" sur laquelle on reste quelques minutes et dont on revient pour réaliser que de très longues années se sont écoulées...

 

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Seules pistes d'éveil ou du moins de maintien d'une certaine stabilité : manger et dormir. La bouffe est une drogue. Moi qui n'ai jamais faim avant midi, je me réveille en ce moment très tôt, mue par une faim animale. En morfalant, j'ai l'impression de remplir un vide, un néant de sens, une faille. Je me "récompense", je me "console". Leurre. Mon corps en est devenu détestable, boudiné dans ses complexes, dans une enveloppe grasse de malaise. Ficelé dans mes fringues, à en avoir mal (physiquement et moralement). Et je pourrais dormir constamment. Le sommeil est un refuge même si j'ai l'impression qu'il ne soulage plus. J'en manque, mes nuits sont si courtes et agitées que je me réveille courbaturée, crispée, douloureuse. Lorsque je peux vraiment me "reposer", mes nuit sont ponctuées d'angoisse, de rêves fous, de courses, de cris. Tout ce que je cherche encore dans mes nuits, c'est l'oubli. Mon corps est une boule de colère cimentée de lassitude.

***

Un matin, le vent - Mi-mars.

Lundi, 5h30. Comment en suis-je arrivée là ? Je ne m'en rends pas compte, mais j'ai travaillé tout le week-end, à l'exception d'une sortie au théâtre le samedi soir (et encore, j'y suis allée parce que les billets étaient pris, que des amis nous attendaient, sans quoi, je ne me serais pas arrêtée de travailler - j'y ai trainé ma mauvaise conscience). Je ne voyais pas ces alignements d'heures à corriger des copies, à valider des notes, à préparer des cours. Je ne voyais pas tout le travail accompli. Je ne voyais pas que j'enchainais une semaine de plus de trente heures de cours avec un week-end de près de vingt heures de travail. Je voyais CE QUI RESTAIT A FAIRE. Beaucoup trop. Hier soir, tard, j'ai posé mon stylo rouge. Autour de moi, la table du salon toute encombrée de copies, des tasses de thé, des mouchoirs parce que j'ai encore pleuré, des restes de tablettes de chocolats, carburant artificiel. A vrai dire, toutes les surfaces planes autour de moi étaient recouvertes de copies, de feuilles de cours, de fichiers d'examen, de photocopies... Statique, dans ma tête je courais. J'ai vu qu'il était tard, je savais que j'avais besoin de sommeil, parce que le jour qui allait suivre comprenait 8 heures de cours et 4 heures d'ateliers théâtre - ajoutons à cela une heure et demi sur la route, des copies, encore des copies, et une demi heure à midi pour relier deux centres de formation. J'ai fais les calculs. Je me suis brossé les dents. Je me suis couchée. Et là, dans le noir, les sanglots ont explosé, encore, mais plus fort. Étouffant, j'ai suffoqué dans mes larmes. Parce que là, couchée, ma tête travaillait toujours, elle composait la journée du lendemain, elle préparait les jours à venir, elle envoyait les mails en retard, elle faisait des listes. Je savais que même en me levant 4 heures plus tard, c'est à dire très tôt, je ne parviendrais pas à tout faire. Alors je me suis relevée. J'ai bien pensé, "arrête ça, c'est pas sérieux, c'est même ridicule, tu as besoin de dormir". Mais je me suis bien relevée. Et j'ai travaillé, encore, j'ai senti toute la nuit mes cervicales qui ont crié, mon dos qui gémissait, qui craquait, mes yeux piquaient, et les sanglots encore que j'ai étouffés pour ne pas manquer d'air.

Et soudain, j'en suis là, je pose un regard sur l'horloge. Lundi, 5h30. Je sais que je n'ai toujours pas fini. Je m'engueule intérieurement : comment m'y suis-je pris pour ne pas être capable de faire plus, plus vite, mieux. Je m'en veux tellement. Je pleure, lourdement, nerveusement, douloureusement, je m'entends gémir tellement je souffre. Et je comprends que je ne peux plus, que ce n'est plus possible. Que ça ne fera qu'un échec de plus à ajouter à toute cette liste qu'est ma vie insensée. Je pense d'abord à prendre la journée. Mais Gab quand il se lève me dit d'aller voir le médecin. J'entends ces mots dans sa bouche depuis des mois, mais je ne les comprends pas, et je suis persuadée que je peux aller au bout. Que je dois.

Autour de moi, j'ai entendu souvent ce mot si laid, "burn out". Il est "tendance", on le cuisine à toutes les sauces et les médias s'en délectent. On m'a dit de faire attention, on m'a parlé d'un collègue, d'un ami, d'une connaissance qui s'était fait tacler sans le voir venir par cette grosse bête sournoise et vicieuse. Burn out. Brûlé dehors. Au contraire, de mon côté, je me sens éteinte dedans. Exctinct in. Plus envie de rien. Ce qui me fait vibrer habituellement, mes catalyseurs, mes vecteurs de force, sont à l'arrêt. Plus de motivation, aucune, une impression de fatigue dégueulasse qui me colle à la peau, qui me coupe la respiration, qui ralentit la circulation de tous mes fluides. Écrire, dessiner, faire la cuisine, enseigner, partager, jouer, se projeter, imaginer, raconter : autant de motivations éteintes. Asphyxiées. Insensées.

Je vais voir le médecin dans l'après-midi. Je suis là, mais je suis absente. Ce n'est pas vraiment moi. Je vois cette femme, lourde, lâche, écrasée qui tente de trouver des mots pour dire ce qu'elle nie depuis des mois. Il me parle immédiatement d'arrêt de travail. Je lui dis que ce n'est pas possible. Il répond que ce n'est pas négociable. Bien sur, j'y avais pensé. Mais mes employeurs, que vont-ils dire, que vont-ils faire ? Et mes étudiants, je ne peux pas les laisser comme ça... Je lui explique un peu, vaguement, comment ça se passe. Je lui parle de cette femme en particulier, ma directrice depuis septembre, qui me détruit, qui exige tant. Celle par qui tout a perdu son sens. Il murmure, mais je l'entends bien, le mot "connasse". Puis il me dit que je ne dois rien à ces gens, que si je suis "dans cet état là", c'est à cause d'eux. Il dit aussi le mot dépression.

 

***


Un matin, le vent - Fin avril

Comment écrire quand on ne respire plus ?

Alors, elle est là, elle est de retour. Dépression. J'ai mis des semaines à la nommer et à l'accepter, à la regarder dans les yeux, mais je ne doute plus aujourd'hui. Tous les voyants sont au rouge. Je retrouve mes peurs passées, que je croyais effacées. Les indices sont là : les sueurs nocturnes, l'absence d'envie(s), la peur des autres, du dehors, du regard, la perte totale de confiance, l'estime de soi en berne, le dégoût, la honte, la faiblesse. La terreur parfois, souvent.

Je voudrais voir partout des explications à l'état dans lequel je suis aujourd'hui, mais tout est flou. J'ai peur de ce qui suivra. Écartelée entre un passé triste et un avenir effrayant. Deux seules certitudes, écrites en moi : la culpabilité (de ne pas faire plus, de ne pas faire mieux) et l'échec qui est présent partout où mes yeux se posent... J'ai le sentiment de devoir m'excuser de tout, tout le temps, je ne me sens plus légitime nulle part. Cabossée, abîmée, courbaturée. J'ai couru derrière une vie idéale : je serais forte, j'aurais le temps de faire tout, je tiendrais mes objectifs, je serais exemplaire, parfaite. Or, aujourd'hui, le moindre petit objectif semble trop compliqué, inaccessible. J'ai le sentiment d'être seule, incapable. Je m'en veux, je m'en veux tant. De ne pas y arriver. De ne pas être plus efficace. De ne pas être plus forte. J'ai une telle volonté de bien faire, de répondre à toutes ces exigences et je me sens si seule face à ces montagnes d'objectifs, qu'un gouffre se creuse, toujours plus profond entre ce que je voudrais faire en tant qu'enseignante / femme / amie et la réalité de la vie qui est la mienne.

Je suis en arrêt depuis un mois. Les crises d'angoisse sont récurrentes. Plus de souffle, le ventre en vrac, l'agitation. Je suis incapable de me concentrer, même sur ce que j'aime habituellement*. Je n'ai plus de désir (dans tous les sens du terme). Je suis épuisée, je me sens cassée, démolie.

Nous sommes partis en Sardaigne la semaine dernière. C'était programmé de longue date et le médecin m'a dit que ça me ferait du bien. Qu'il est étrange de se retrouver sur des plages paradisiaques et si lumineuses avec cette masse noire à l'intérieur et ce boulet d'angoise qui ralentit chaque geste.

On me dit que ça va passer, on me dit qu'avec le temps, tout va s'arranger. J'entends mille fois cette putain de phrase "t'as touché le fond, tu vas remonter". Je suis collée au fond.  JE ME MANQUE.

 

* L'écriture de ces queqlues lignes m'a demandé des mois. A l'état de brouillon, ce texte a été remagné, supprimé, réécrit et trituré des dizaines de fois. Je suis désolée de ce que je livre ici de désolation et de noirceur.

 

2 janvier 2016

L'amnésie de la force bête.

Il y a quelques semaines...

Un dimanche soir, je rentre chez moi après avoir passé un très beau moment avec des amis à construire l'imaginaire autour de manala et de lait chaud dans le cadre d'un atelier d'écriture. La tête pleine d'ailleurs et de belles images, j'allume la télé, impatiente. Je reste debout sur place, dans mon salon, encore emballée dans mon manteau, dans mon écharpe, dans mes certitudes. Les mots dégueulasses que déverse l'écran plat me coulent sur la tronche, des larmes, des désillusions.

***

Je vis dans une région, un pays qui a fait ses choix avec ses peurs. Cette même peur qu'ont souhaité nous insuffler ces fanatiques il y a quelques semaines. Je vis entourée de gens qui pensent que la haine, le rejet et l'isolement peuvent être des solutions. Je vis dans un monde qui répond à l'extrêmisme par l'extrêmisme. J'ai honte. Oui, encore. De ce déversement de colère et d'hostilité. J'ai honte de vivre dans une région où un citoyen sur deux ne s'est pas exprimé. Dans un pays dans lequel les jeunes générations semblent souffrir d'amnésie. Ce sont deux rapports à la peur qui s'affrontent. La phobie qui écrase tout raisonnement. L'absence de peur de ceux qui se taisent. Les choix que nous ne faisons pas aujourd'hui influeront sur l'attractivité économique, les budgets des lycées, des transports, le développement durable, l'aménagement du territoire... Notre quotidien. Mais nous ne choisissons pas.

***

Quelques heures plus tard, je suis debout dans un cimetière, dans la lumière froide et bleue de ce mois de décembre. Ma famille autour de moi, nous saluons ma grand mère dont le petit corps léger et trop fatigué pour continuer a été mis dans une boite  en bois au fond d'un trou. Nous jetons des roses multicolores dans le trou avant de tourner les talons et de la laisser là. Elle a connu toute sa vie ces peurs qui animent aujourd'hui majoritairement nos choix. Elle a connu la peur du manque, la peur de l'occupant, la peur de mourrir, la peur de perdre sa liberté. Elle a traversé la France de part en part pour fuir cette peur. Elle a connu la libération de Paris, elle a applaudi des hommes sur des chars qui criaient la victoire. 

***

Nos choix aujourd'hui sont amnésiques. Nous oublions les dérives du passé, nous oublions que ce sont nos choix, par jeux de domino, qui nous mènent au pire. J'aime les gens, j'aime leur diversité,  leurs différences qui font notre richesse. Je veux continuer à les aimer alors que je ne suis pas d'accord avec une bonne partie d'entre eux. Je veux croire en l'espoir. Je voudrais dire à ceux que je croise de ne pas avoir peur, de se montrer confiants et forts.

***

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2 janvier 2016

Faire passer la pilule.

piluleIl y a maintenant près de deux mois, je sortais de l'hopital avec de bien mauvaises nouvelles. Je suis restée à la maison pendant plus de deux semaines, dans un petit cocon de sécurité et de douceur, le temps de faire disparaître cette graine de bébé dans mon ventre, cette graine d'espoir dans ma tête. Gab m'a bichonnée, il a coffré ma peine de sa tendresse, à l'étouffer. Nous avons pris soin l'un de l'autre et nous avons pu "tourner la page". J'ai repris le travail avec motivation et énergie. J'ai repris ma place dans ma vie.

Mais depuis, sur injonction du médecin, je reprends la pilule. Le methothrexate est présent dans mon corps trois mois et serait toxique pour une petit bébé qui voudrait s'y installer. Il faut donc impérativement se protéger, de ce que nous souhaitons pourtant.

Voilà presque trois ans que je ne la prenais plus. Bien sur, il y a l'envie d'avoir des enfants, mais il y avait aussi ce refus de cette dose chimique quotidienne, de ce muselage hormonal. Alors, quand aux urgences, après m'avoir annoncé que je devais tuer cette grossesse, le médecin me demandait de reprendre la pilule, j'ai étranglé des larmes.

Mais, contre toute logique, tous les soirs, je gobe de nouveau, comme je l'ai fait des années durant auparavant, cette petite pilule, petit morceau de poison qui vient souvent se loger dans ma gorge si je ne la bouscule pas d'une gorgée d'eau pour la noyer. Se coincer comme pour faire savoir qu'elle ne veut pas passer.

Elle s'appelle Optilova. Romantique ! On dirait le nom d'un sex toy, ou d'un aphrodisiaque. Rien de tout cela. Une plaquette avec des pilule blanches et d'autres roses, à prendre en continu quotidiennement. Comme le petit chocolat du calendrier de l'avent, sauf que ça dure plus longtemps et que ça n'a pas de goût.

Je commence la troisième plaquette. Je termine ce mauvais cycle. Et puis on pourra repasser aux choses sérieuses.

2 janvier 2016

L'observation.

yeux-closFin de vacances scolaires : un film de Romain Goupil, Marina Hands est assise dans une pièce sombre face à une baie vitrée, elle dit au réalisateur/acteur, personnage en face de lui, sur le point de réaliser un film dont la caméra deviendrait presque un personnage (mise en abyme périlleuse), que "toute observation d'un phénomène perturbe le déroulement de ce phénomène".

Bien sur. Comment ne pas ?

Je décris, j'absorbe, j'observe. Je me nourris de regarder. Je gravite par des jeux de regards autour de ces phénomènes qui composent le/mon monde.

Ecrire, photographier, dessiner donnent du sens à mes jours. Mais la fidélité dans tout ça ? Quelle vérité pour ce que je vois, ce que je comprends ? Ma vérité ? Et comment ne pas modifier, par mes actes, mon regard, mes mots, mon trait, mon interprétation, ce que je valide de ce qui m'inspire. Et le faudrait-il d'ailleurs ?

***

"Observer c'est perturber", Hubert Reeves.

31 décembre 2015

Tzara.

Visite hier de l'exposition de l'ingénieur de la spontanéité, Tristan Tzara au musée d'art moderne de Strasbourg : ouverture du champs des possibles, stimulation de créativité, réflexions autour de l'écriture, du dessin, de l'improvisation...

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« Ce que nous voulons maintenant c’est la spontanéité. Non parce qu’elle est belle ou meilleure qu’autre chose. Mais parce que tout ce qui sort librement de nous-mêmes sans l’intervention des idées spéculatives, nous représente. Il faut accélérer cette quantité de vie qui se dépense dans tous les coins. L’art n’est pas la manifestation la plus précieuse de la vie. L’art n’a pas cette valeur céleste et générale qu’on se plaît à lui accorder. La vie est autrement intéressante. »
«Conférence sur Dada», Tristan Tzara.

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