Rue de la Bagatelle, enfin.
L'ouragan est passé, laissant derrière lui un paysage ravagé. Des cartons postés à tous les coins de pièces, au milieu même, certains éventrés, d'autres encore intacts. Un truc à cheval entre Hiroshima et le Bronx. Plus de repère/repaire. Il nous laisse déboussolés, sans voix, perdus et ailleurs, pourtant chez nous paraît-il, "pour de bon", un peu hagards. Certains objets ont déjà trouvé leur place, par cette force qu'ont les choses, comme on dit. Ils sont entrés dans les placards, où se sont installés sur un bord de lavabo, sans qu'on s'en soit rendu compte. C'est nos impressions qu'on a du mal à caser, on sait pas trop où les mettre, certaines ont d'ailleurs du s'égarer entre deux voyages, dans le fond d'un carton qui serait parti à la déchetterie. Il y a bien la lumière, il y a tous les objets, mais tout est encore en désordre, comme si tout avait été mis dans un sac et mélangé furieusement. Lucien semble s'accommoder de ce désordre, il erre dans ce labyrinthe qu'il connaît comme s'il y avait toujours vécu. Nous avons plus de mal. L'autre matin, départ au boulot, je file mon collant en passant contre le coin métallique d'une caisse à outils. Pas d'autre collant, rien d'autre à mettre. Rien. Deux alternatives : y aller jambes nues, ou ressortir quelque chose du panier de linge sale, dans l'urgence, parce que c'est le seul qu'on aperçoit, dans ce capharnaüm.