Ou "Ce qu'il fallait dire le premier jour".
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Parfois, je suis trop pleine, débordante d'émotions, de mots, de sensations. Des éclairs. De choses qu'on ne peut pas expliquer avec des mots, qui ne pourraient que transparaître ou transpirer dans des divagations verbales, et encore, à la limite...
Parfois, c'est comme un souffle éphémère et si puissant qui me traverse, qui me gonfle comme une voile, qui me rend exponentielle, emplie d'une force d'existence. Parfois c'est comme la vibration d'une guitare électrique. Parfois c'est la chair de poule d'une seconde.
Parfois, c'est une voix, des notes de musiques, la volonté de se rattacher à un moment, parce qu'on sait bien qu'il est unique et magique.
Parfois, c'est juste le contraste avec de grandes parenthèses vides et transparentes, soudain, un éveil.
Parfois, c'est une envie de hurler, de courir, de sauter, de danser, de s'oublier, de serrer quelqu'un fort dans ses bras, à l'étouffer.
Parfois c'est une ivresse, un moment de grand soleil éblouissant, des sourires gratuits et fragiles, faciles, la certitude que ça peut être éternel, le goût de la bière sur ma langue, sur mes lèvres, l'herbe humide sous mes pieds, ses doigts sur ma peau, la plénitude.
Parfois, ça ne prévient pas, vous êtes là, en train d'attendre quelqu'un devant une bibliothèque, ou en sortant de huit heures de cours, ou devant votre glace le matin, et ça vous traverse comme une lance.
Parfois, c'est logique et précieux comme une pierre brillante qui roule sur votre parquet. Comme dans un rêve.
Parfois, vous voudriez arrêter le moment, le fixer sur du papier photosensible ou vite le dire aux gens qui sont près de vous, que c'est en train de vous arriver, que c'est là, maintenant, est-ce qu'ils le voient ? est-ce qu'ils le sentent ? mais ils ne comprendraient pas.
Parfois, ça vient de très loin, rupture de l'espace temps, téléportation, ubiquité. De pays que vous n'avez jamais visités, de périodes si lointaines. De cette maison, de ce jardin où vous êtes allés jouer une fois quand vous étiez petite, avec un enfant qui n'était même pas un ami. De ce champ de maïs à perte de vue derrière la maison de la gardienne. Il y a vingt-cinq ans. Il est toujours là.
Parfois, c'est cette odeur de javel qui vous emplit les narines, venue de nulle part, de votre imagination, et pourtant bien présente. Depuis l'enfance. Toujours surprenante.
Parfois. Le plus souvent en fait. Tout part de la lumière. De sa
verticalité ou de son horizontalité. De son inclinaison. De sa force ou
de ses nuances. De ce qu'elle peut transmettre. De ce qu'elle peut
réciter à votre oreille. Certainement magique.
Parfois. Divagations...