Je suis un adverbe.
Bien. Trop. Évidemment. Affreusement.
Mes matins sont des cauchemars, devant mes yeux qui ne veulent pas s'ouvrir, des images sombres grésillent.
Mes yeux sont, cette nuit dans mon rêve, ouverts. Je viens de les ouvrir, comme un réveil intérieur, trop tôt.
Je suis pieds nus, sur un tout petit rebord, le visage face à un mur. Je sens le vide derrière moi, la vase sous mes pieds. La pierre devant moi est verte et gluante. Le mur devant, l'humidité et le vide derrière. Et je sens cette angoisse qui gonfle, immobile. Je me dis très fort dans ma tête qu'une fois de plus, bien sur, ce n'est qu'un rêve, mais la panique s'empare de moi, elle se faufile dans ce silence. Cette peur du vide. Il est derrière mais je ne me suis toujours pas retournée. Je le sens seulement. Et ma tête pivote pour découvrir l'horreur. Mon horreur.
Un cri strident dans mon ventre.
Je suis toujours sur le rebord mais derrière moi, je vois maintenant ce rectangle, plusieurs mètres plus bas : un rectangle d'eau vert sombre et autour, quatre murs qui l'encadrent, très hauts, recouverts de cette matière visqueuse. Un ciel gris et loin, trop haut. Plus loin, j'entends le ressac de l'océan, derrière les murs, où suis-je ? Je ne vois que ce rectangle dans la lumière blafarde, et sa profondeur, les abîmes, le néant. Ce rebord si petit ne me permet pas de me retourner, je ne peux pas bouger, je calcule mes gestes alors que mon corps me dit de fuir et l'angoisse me ronge. Mes mains se plaquent, mes ongles griffent le mur mais je suis prisonnière. Je veux crier mais ma bouche ne s'ouvre pas, elle ne s'ouvre pas, elle ne veut pas s'ouvrir, je crie comme bâillonnée par une main invisible et verte.
Et quand mes yeux s'ouvrent, ma bouche aussi. Je suis assise dans mon lit, hurlant de terreur, une bête qui me crispe et reste en moi pendant de longues minutes avant de me laisser épuisée, en larmes, à peine rassurée par ma réalité.