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Diane Groseille

5 septembre 2015

Une nuit sous les étoiles.

Avec des amis.

Agiter de notre ivresse le silence de la nuit.

Et nous saouler de la beauté de l'immensité.

crépuscule2

étoiles

freesbee

lune

nuit-vallée

Et au petit matin,

se réveiller dans la rosée

et le regard encore endormi

Observer la nature fraiche s'étirer

aurore3

aurore4

brume

renard1

vignes

***

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2 septembre 2015

Chaque espace.

Reprendre le chemin  de l'école

Entrer dans une nouvelle année

Naviguer vers d'inconnus espaces

Trouver la voie juste et claire

Respirer chaque instant

Et prendre le temps

Encore et encore

...

4

24 août 2015

Le baiser.

Il y a une dizaine de jours,

alors que nous étions en montagne pour une pièce de théâtre,

nous pique-niquions sous les arbres avant le début de la représentation,

quand une guêpe est venue récupérer sur mes lèvres

le doux sucre des quetsches que je mangeais.

J'ai senti sur ma peau quelque secondes

l'action rapide de ses mandibules,

comme un baiser magique

sans crainte de

la piqûre.

guepe

***

23 août 2015

Encore le temps.

Je relis avec le sourire cette note écrite durant la course hivernale. L'idée même d'avoir alors un peu de temps pour moi était un fantasme. Je viens de passer mon après-midi pluvieuse dans ma cuisine. J'y ai fait des expériences, des tentatives : mon premier fauxmage, du gomasio, une rectte de haricots mijotés, une purée de céleris... J'ai aussi rangé, trié, mélangé, goûté. Gabriel a travaillé dans la chambre bleue, maintenant, il lit. Le soleil de ce matin a vite laissé place à la pluie et la fraîcheur (un temps de rentrée m'a dit Gab)... Et au temps pour soi : lecture d'un article, écriture d'une note rapide, écoute d'une émission de radio...

Dans quelques jours seulement, déjà, je reprends les cours. En douceur, avec quelques heures pour commencer. Mais tout va aller très vite, comme chaque année, avec pas mal de nouveautés. A bien regarder derrière moi, les quelques semaines écoulées ont été joyeusement remplies, de lumière, d'amitiés, de partage, de découverte, de nouvelles expériences... de tout ce que mes trop pleines journées d'hiver ne me permettaient pas de faire...

baignade

***

18 août 2015

Une certaine frugalité.

La Cigale, ayant chanté
   Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j'en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant.

bouton-d'or

 

Je n'ai plus d'argent. Je suis à sec.

C'est pas faute d'avoir bossé. Comme la fourmi, (une fourmi du Nord qui aurait un problème de saison, sans doute une question de dérèglement climatique (ou hormonal)) j'ai travaillé tout l'hiver, levée à cinq heures trente, courageuse, voire téméraire, faisant face à la nuit, à la fatigue, à la mauvaise humeur de mes étudiants... pour mettre des petits sous de côté, pour pouvoir, comme chaque année, assurer mes arrières pour les longs mois d'été durant lesquels aucun centre de formation ne me propose de travail. Mais cette année, comble de La Fontaine, je suis une fourmi schizo qui devient cigale, quelle injustice ! Plus une graine, plus un kopeck, plus une thune, comme si j'avais chanté tout l'hiver, allez comprendre ! Je danserai bien maintenant, mais le coeur n'y est pas...

Voilà quelques mois maintenant que le constat est fait ! Un tour de passe passe de Lu qui change le sable en bouchon a contribué à couler le budget déjà bien fragile... Parce qu'être propriétaire, ça coûte un bras, et un bras de fourmi, ça pèse pas bien lourd, moins encore quand il s'agit d'un ravalement de façade à financer, et plus rien du tout quand le syndic' détourne une partie des fonds de travaux...

Alors après avoir chialé un peu quand même (oui, ça m'en a tiré des larmes, de pas avoir été capable de faire mieux, de pas avoir su anticiper, d'avoir fait tant d'efforts pour faire face finalement à cette montagne d'inquiétudes), j'ai pris ma misère en patience. Les lettres de la banque et les remontrances de mes créanciers surmontées, je relativise et y voit du positif. Oui, vraiment.

Je me dis, avec force de persuasion, que le bonheur, c'est bien peu de choses. Et, bravant courageusement la mécanique bien rodé de l'imaginaire collectif, je fais le choix (enfin, bien forcée quand même), de revoir mon mode de consommation. Consommer moins, consommer mieux.Et aller vers une vie plus simple.

A vrai dire, cela faisait quelques temps déjà, peut-être bien dix ans, que cette réflexion était enclenchée et que je ne me sentais plus soumise aux diktats de la grosse machine. Les temples de la consommation ne m'attirent plus depuis un bail, la publicité m'agace plus qu'elle n'exerce sur moi son pouvoir de persuasion et je ne vois pas dans les marques les références absolues qu'on veut bien nous faire gober. Mais pour aller plus loin, la frugalité exige encore davantage de réflexion.

Car oui, il s'agit bien de frugalité. Les consonances du mot sont charmantes et d'ailleurs on le voit fleurir un peu partout. A ce sujet, deux articles, que je trouve riches et justes, dont la lecture ouvre le champs des possibles :  "J'ai testé la vie sans argent" et "La Tentation de la frugalité" issu de l'intéressant Clé

J'ai donc mentalement listé pour moi, à mon échelle, sans prétention pour commencer, des choses que je pouvais envisager à moindre frais, des petites modifications. Je vois finalement derrière ce coup dur, une nouvelle opportunité de repenser notre façon de consommer et de vivre. Il ne s'agit plus cette fois de consommation au sens classique, mais davantage de mon rapport aux loisirs qui, de plus en plus, sont objets de consommation.

  • Acheter moins, acheter mieux : penser chaque achat dans sa globalité : "En ai-je vraiment besoin ? Que deviendra cet objet, ce produit, ce vêtement ?". Établir un rapport au bonheur et au besoin. "Est-ce que ça me rendra vraiment heureuse  ?" Dans cette optique, nous avons par exemple opté comme plusieurs de nos proches pour des paniers de fruits et légumes issus de la biodynamie locale. Rien n'est à jeter, tout se consomme et peu de ces produits n'ont d'impact carbone. Nous découvrons de nouveaux légumes et nous cuisinons au fil des saisons.
  • Réparer, raccommoder, recoller, repenser les objets au lieu de les jeter.
  • Repenser le bonheur, les loisirs, les sentiments, le partage comme des valeurs (que la publicité, la société ont transformé en biens de consommation). Partager avec des amis peut se faire (et nous l'avons testé maintes fois cet été) autour d'un pique nique
  • Ramasser : alors là oui, petit délire perso issu d'une réflexion assez récente. En balade avec mes deux chiens, je suis étonnée de tout ce qu'on peut trouver au sol : des objets jetés, boudés, perdus, oubliés. Certains abîmes ou hors d'usage, mais la majorité intacts. Parfois des objets insolites. Récemment,  m'est venue l'idée de les récupérer, de les nettoyer, de les "désinfecter" même et de leur trouver un rôle, une place, aussi décalée soit elle. Leur donner une seconde vie.

boutons

Je suis étonnée alors que je mets en application quelques unes de ces idées de voir le regard de mes proches, de mon entourage changer. On se trompe souvent quant aux motivations, quant au sens. On voit derrière ces choix un panel de raisons auxquelles je ne m'attendais pas : radinerie, loufoquerie, délire new age, écologie de comptoir... Ça me semble juste une évidence, une cohérence. Je me sens en accord avec moi même et mes choix.

Sans doute que je n'invente pas grand chose ici, si ce n'est rien du tout, le mouvement de la Décroissance agit et réfléchit dans ce sens depuis des années. Mais j'adopte tout doucement ce nouveau sens. Petit à petit, je me sens consomm'actrice et je veux raisonner, tout comme ma façon de m'alimenter, ma façon d'acheter.

Je finis cette réflexion avec la bande annonce du très beau Into the Wild. Qu'on se rassure, je ne compte pas finir mes jours dans un bus...

***

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18 août 2015

Mes toutes petites victoires.

Je lis souvent, comme un petit plaisir, les mots rassurants et bienveillants de Christie. J'y trouve récemment ses modestes victoires. De ces petits billets qui font du bien. Il y a ces petits pas que l'on fait, que l'on oublie, mais qui sont autant de satisfactions. Je veux en permanence garder les yeux sur mes exigences, mes projets, ce qu'il reste à faire, tout ce que je n'ai pas encore accompli. Je me fais aujourd'hui le cadeau de regarder par dessus mon épaule, de me régaler, de me féliciter de ce que j'ai fait. Petites actions ridicules ou vraie réussite personnelle... Alors que la page d'une autre année scolaire se tourne, qu'est-ce que j'ai su faire de bien les derniers mois...

  • Me mettre à l'aquarelle, prendre le courage du "moche", du "raté", de l'ébauche, de ce trait qui mentalement est parfait et qui vient saloper une belle feuille blanche
  • Accueillir la petite Maïdi dans nos vies, lui faire une place, lui permettre d'évoluer et constater qu'elle nous a adoptés
  • Faire avancer avec fougue et force mon groupe d'impro, le voir s'épanouir, s'éclater, avec ses individualité, ses solitudes, ses tempéraments, en faire une entité, une cohérence. Et voir chacun gagner en force, en indépendance.
  • Tisser des liens plus forts, plus vrais avec des amis, partager avec eux, leur laisser une place plus grande, leur faire confiance, accepter leurs erreurs, leur distance. Garder ce lien, le nourrir, le consolider.
  • Prendre mon temps avec Gab, lui laisser le temps dont il a besoin, accepter ses différences, ses silences, ses peines. Savoir aussi que je lui fais du bien : ma présence, mes envies, mes idées, ma tendresse.
  • Ne plus manger de viande et avancer progressivement vers une alimentation encore plus raisonnée (je ne parle pas de "raisonnable", ni de "restriction", mais bien de raisonnance, au sens de raison et peut-être même de résonance). Moins de produits laitiers, des aliments plus variés et goûteux. Et de la créativité.
  • Savoir, tout doucement, petit à petit, développer l'indulgence de moi-même, me montrer bienveillante avec ma propre personne. savoir regarder en face ces montagnes d'exigences de perfection, et ponctuellement, leur tourner le dos, consciemment. C'est fragile pour le moment, c'est tenu et rare, mais j'arrose cette petite plante pour lui donner la vigueur qu'elle mérite
  • Tout doucement, écouter mon corps : son équilibre, sa souplesse, sa fatigue. L'atelier cirque suivi ces derniers mois m'y a aidé...
  • ...

Et ce matin, tout particulièrement grosse victoire : un petit pas vers une nouvelle vie. Je me décide enfin après un été d'attente, à envoyer balader cet employeur qui se moque de moi depuis bien trop longtemps... Je perds de nombreuses heures et même si ça semble insignifiant, ça va me forcer à me propulser vers l'indépendance !

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15 août 2015

L'été du dedans, l'été du dehors.

Matinée de frais, après de très longues journées de canicules, subies péniblement dans mon appartement sous les toits. L'impression de respirer de nouveau, de sortir d'une espèce de torpeur.

Cet été est véritable. On y cherche la fraîcheur de l'eau, la douceur des soirs qui s'étirent au dehors lorsque le feu du soleil a enfin voulu se cacher, l'ombre d'une façade, le calme d'une forêt ombragée, la climatisation d'un supermarché en plein après-midi...

M'ont encore traversée cet été ces impressions de dichotomie : le dedans / le dehors.

Hier encore, petite fille, l'été était synonyme de liberté. Gamines de la campagne, dès le saut du lit, ma soeur et moi nous précipitions au dehors pour y passer de longues journées de jeux. L'extérieur était notre liberté, espace sans limite, sans contour, sans règles : nos règles, nos jeux, nos délimitations... Et ce n'est qu'à la fin du jour, alors que les premiers réverbères s'allument, alors que les cris se font moins vifs et que la fatigue commence à se faire sentir, qu'éreintées, les genoux croûtés, les jambes griffées par les ronces, nous retournions au bercail pour s'y endormir devant Intervilles ou les Dents de la mer...

Aujourd'hui, le dehors de l'été, c'est les promenades, la nature sans cesse découverte et redécouverte, dessinée, photographiée, les longues heures à marcher, à parler avec Gab, les siestes dans les jardins. Mais le dehors parfois effraie, bêtement. C'est le dehors de la ville, c'est le dehors de la rencontre, de l'autre, du regard. Le dedans protège, isole, coupe du temps, de tout : on s'y vautre dans l'oisiveté. Le dedans a su protéger aussi les derniers temps de la chaleur. Volets fermés, c'est une journée d'obscurité qui s'impose pour ne pas étouffer.

Dimanche soir, autre et nouvelle vision du dehors. Un dehors agressif et concret, une autre réalité. Après une soirée avec C. et B., à regarder 2001 l'Odyssée de l'espace sur le grand écran de mon salon, je suis sortie sous une pluie battante avec mes deux chiens pour le petit pissou du soir. Je mes suis faufilée entre les gouttes et sous l'auvent de la banque, éclairée par les néons blancs crus, j'ai découvert une jeune Fleur, petite demoiselle, trempée jusqu'à l'os, à ses pieds, un sac, un chien roulé en boule. Je passe une première fois devant elle. Les deux chiens et moi bouclons notre habituel tour de quartier nocturne et lorsque nous repassons devant elle, je m'arrête, je lui demande si elle a faim. Elle me dit oui. Je lui propose de monter avec moi. Elle me suit, petit animal craintif et fatigué. Mes amis entre temps se sont couchés. Je l'installe dans mon salon et lui sors du pain, du fromage, des fruits. Elle hésite, elle mange. Elle parle peu, moi non plus, je n'ai que peu de choses à lui dire. Je lui propose une douche, elle me répond avec un sourire qui en dit long sur le luxe de ma proposition. Fleur dort dehors depuis des semaines, elle m'avoue n'avoir que peu mangé et ne s'être lavé depuis des jours. Elle est arrivée dans la région il y a trois jours, elle ne sait pas où aller. Pendant qu'elle occupe la salle de bain, par réflexe, je déplace dans ma chambre les quelques rares objets qui ont un tant soit peu de valeur (appareil photo, ordinateur, à vrai dire, je n'ai pas d'objets de valeur). En le faisant, je me dis que c'est bête, qu'elle m'inspire confiance... Quand elle me rejoint, elle me dit qu'elle va y aller, elle ne cesse de me remercier. Je lui dis que si elle le souhaite, elle peut rester et dormir sur le canapé. Ses yeux s'illuminent. Je mesure à la lumière de son regard l'angoisse qu'est le dehors pour elle. Elle a vingt ans, pas plus, elle est une jeune femme seule, elle dort dehors. 

Le lendemain, après avoir déjeuné avec moi et mes amis, elle est partie, avec un petit sac de nourriture et son jeune chien. La porte a claqué derrière elle. Elle laissait alors ce dedans protecteur pour un dehors inconnu, pour une ville hostile pour ce qu'elle est, pour un futur sans aucune certitude. Plus que jamais, j'ai vu mon dedans comme une chance, un luxe, une richesse, une base. Depuis, souvent je pense à elle, la solitude de son corps menu DEHORS.

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11 août 2015

Les filantes.

Couchée, peau nue, à même le carrelage encore chaud du petit balcon, mes chiens allongés près de moi.

Au dessus, l'étendue fascinante, la voute scintillante.

Pas assez de voeux pour faire face à la déferlante.

berger

10 août 2015

Apéro lumineux.

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S'installer au dehors, à la fin d'une journée, avec des amis, avec des envies.

A nos pieds, sous nos fesses, le sol dégage les odeurs sèches d'une terre épuisée.

Se faire écraser la peau de toute cette chaleur vive, brulante qui ne s'est pas encore éteinte.

Ouvrir une bouteille, entamer des conversations, les interrompre pour se taire et écouter.

Laisser la nuit venir, et l'ivresse et le rire.

Partager la joie du temps qui cesse, du temps qui regarde, du temps qui aime.

6 août 2015

Pourquoi est-il si difficile d'écrire ?

Journée de grosse chaleur. Je suis enfermée dans mon appartement, dans l'obscurité et le silence, seuls le ventilateur et la respiration des deux chiens produisent un souffle régulier. J'écris et je lis depuis ce matin. Gab est parti dans les montagnes pour y rejoindre sa famille pour quelques jours. Je ne tenais pas à l'accompagner, je crois qu'il a besoin de ce temps pour lui, j'avais besoin de ce temps pour moi. Je relis, au détour de mes divagations, un article que j'ai enregistré il y a des mois, sans avoir alors eu le temps de le détailler. Il évoque justement l'écriture. Comme une barrière, une souffrance. Écrire à mes yeux n'est pas souffrir.

Je ne m'impose pas de barrière (peut-être le faudrait-il pourtant pour aller vers plus de qualité, de but, d'exigences), et je vois alors l'écriture comme un guide, un tuteur, une ligne directrice. Elle me permet l'ordre et la lucidité, en cas de tempête ou de brouillard. Elle me permet l'évasion en cas d'ennui. Elle me permet le cadre de l'introspection en cas de chahut.

Je comprends bien sur les difficultés évoquées ci-dessous, celle surtout de la rigueur d'un médium qu'on ne maîtrise pas et qui effraie. Je le constate au quotidien dans mes classes : combien savent s'exprimer correctement, voire brillamment à l'oral, et perdent tous leurs moyens face à une feuille blanche ? Je voudrais, et cela se profile dans mes projets de vie nouvelle, trouver une place sérieuse à l'écriture. J'aimerais "travailler" avec elle et non plus simplement la transmettre comme une fin en soi : savoir écrire. Je voudrais transmettre l'amour que je lui porte et montrer comme elle peut être bénéfique, voire salvatrice. Dans le cadre d'une salle de classe c'est possible bien sur, mais limité. C'est pourquoi je cherche à réinventer mon métier. Des ébauches sont en cours et (compte tenu des difficultés que je rencontre en ce moment) pourraient bien se précipiter.

Récemment, avec des amis, j'ai réitéré l'expérience de l'atelier d'écriture (tenté il y a des années avec des inconnus alors, dans le cadre d'une association de loisirs). Ce fut très productif et poétique, les résultats sont allés bien au-delà de mes espérances, ce fut un très beau moment de partage et de créativité, composée à plusieurs mains. Une nouvelle date est d'ailleurs déjà arrêtée et j'en suis ravie...

Plus que jamais, je me cherche donc le courage de faire "de ma vie un rêve et de mes rêves une réalité". Et sans aucun doute, l'écriture y occupera une place centrale.

atelier6

 

"L’écriture ne sert pas seulement à s’exprimer ou
mémoriser. Elle suppose de mettre à distance la langue que l’on parle et d’oser se confronter au jugement d’autrui.

« Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire… », répète inlassablement le perroquet du bistrotier ami de Zazie, comme un encouragement à faire mieux. Faire mieux que parler, c’est par exemple écrire, mais un romancier comme Raymond Queneau en sait quelque chose : c’est nettement plus fatigant. Si lui-même n’a jamais fait état de soucis particulier de ce côté, beaucoup de ses confrères, dont Victor Hugo, Stendhal et Gustave Flaubert, ont avoué souffrir de la fameuse angoisse de la page blanche. D’autres se sont ligués pour dénoncer le mythe du poète inspiré, en répétant qu’écrire, c’est toujours du travail. Quant au petit Nicolas de René Goscinny, il trouvait tout simplement que « téléphoner, c’est rigolo », alors qu’écrire, « c’est embêtant ». Pourquoi est-il laborieux d’écrire ?


D’abord, évidemment, il y a un apprentissage à faire pour maîtriser les lettres et les mots, ou tout autre moyen graphique véhiculant du sens. Au bas mot, trois ans de travail scolaire acharné, avant de pouvoir envoyer sa première lettre au père Noël. À ce stade, les problèmes ne font pourtant que commencer : viennent la maîtrise de l’orthographe et l’art de composer un texte compréhensible, choses qui ne sont pas garanties à tout le monde. Même pour un adulte bien entraîné, voire pour un professionnel, se mettre à écrire est presque toujours envisagé avec une certaine appréhension, alors que soutenir une conversation avec des amis est plutôt une détente.

L’écrivain Jules Renard a laissé dans son journal intime un aphorisme célèbre : « Écrire, c’est une façon de parler sans être interrompu. » On ne peut pas mieux dire, et a priori, tout le monde préfère ne pas être interrompu. Mais ça n’a pas que des avantages. À moins de répondre à un QCM ou de rédiger sous la dictée d’autrui, écrire c’est se lancer dans le vide. Il faut avoir quelque chose à dire, et entrevoir dans quel ordre on va l’énoncer et par où commencer. Comme le souligne Michel Fayol, l’écriture est monologique : pas d’interlocuteur, pas d’interruption, pas de questions et pas de réponses. Il faut donc tout faire soi-même, sans être sûr du résultat. Sera-t-il correct et intéressant ? Pour tenter de le savoir, on se relit : tout scripteur est en même temps son premier lecteur. Est-ce vraiment conforme à ce que l’on voulait dire ? Est-ce vraiment cela que l’on aimerait que les autres comprennent ? Oralement, on peut toujours se reprendre, reformuler autrement. À l’écrit, il faut détruire et recommencer, à moins de tomber sous le coup de la remarque acerbe de Buffon : « Ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu’ils parlent très bien, écrivent mal. »

Deuxième motif de difficulté : écrire demande de la concentration. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que la technique, qu’elle soit manuelle ou mécanographique, accapare une partie de l’attention. Mais surtout, elle impose une forte contrainte à la pensée. Nos idées peuvent venir en paquets, simultanément ou comme un flot sans interruption. Combien de fois avons-nous fait l’expérience que ce que nous imaginions vouloir dire ne pouvait pas se formuler tel quel par écrit ? L’écriture, elle, est strictement linéaire et scandée par des discontinuités entre les mots et les phrases. Il y a donc une pénible conversion à faire. De plus, sauf cas exceptionnel, nous écrivons beaucoup moins vite que nous parlons, et donc que nous pensons. Des spécialistes ont montré que nous faisions plus d’erreurs en milieu et en fin de mot qu’au début. C’est la conséquence de ce décalage : nous sommes déjà en train de penser au mot suivant alors que nous finissons d’écrire le précédent, et cela seul crée une fatigue pour la mémoire, exige un surcroît d’attention.


Une autre complication vient du fait que l’écriture est un monomédia, tandis que l’interaction verbale est un multimédia. Il s’agit donc de faire entrer dans un canal unique et étroit toutes sortes d’informations véhiculées à l’oral par l’intonation, le geste, le regard, l’expression du visage, la situation même que partagent les interlocuteurs. La parole est, dit-on, aidée par un contexte et s’appuie sur lui. L’écriture tend à perdre ce contexte et ne peut compter que sur ses propres forces. Si par exemple, je rédige une lettre d’excuses pour avoir oublié de rendre un livre à la bibliothèque, je dois dater, indiquer mon nom et développer des formules telles que « Monsieur ou Madame, je vous prie de bien vouloir excuser le retard avec lequel je vous retourne ce volume des Trois Mousquetaires, etc. » Suivent quelques prétextes fallacieux. Face à la bibliothécaire, je n’aurai qu’à prendre un air navré et tendre le livre en disant que « je suis un peu en retard ».


Les spécialistes de l’écriture savent à quel point cette difficulté n’a été résolue que très progressivement dans l’histoire. Les icones, les glyphes et les idéogrammes ont en général précédé les écritures logographiques, c’est-à-dire celles qui reproduisent la parole. Leur capacité à coder le discours était encore très partielle et leur usage limité à certains types d’inscriptions. Les systèmes logographiques ont à leur tour mis des siècles à se perfectionner en inventant la coupure entre les mots, la ponctuation, les guillemets, les majuscules, les parenthèses, etc. Tous ces éléments sont venus compenser le cruel appauvrissement qui affecte l’écriture par rapport à la parole : le point remplace le ton de la voix qui baisse, la virgule code un petit silence. Mais c’est encore incomplet. Bien des attitudes et émotions, qui affectent le sens, ne peuvent être exprimées que de manière lexicale : « Tu es parti il y a une heure », dit-elle, d’un air excédé. Le point d’exclamation existe, mais pas celui de réclamation. Conséquence : il faut presque toujours écrire plus que l’on parle pour dire la même chose.


Philippe Meirieu, auteur d’un petit ouvrage intitulé comme le sujet de cet article, souligne, lui, une autre facette intimidante de l’écriture. Il cite deux auteurs, Jean-Louis Chiss et Jacques David, qui résument bien la situation : « L’angoisse de la page blanche, la peur de faire une simple lettre, les réticences, affichées ou non, à remettre un travail écrit, sont autant de symptômes d’une difficulté à accepter que des propos soient irrémédiablement inscrits dans l’histoire d’une personne. » Comme dit le proverbe, « les écrits restent », et peuvent – et sont même destinés en général à – être lus par quelqu’un. Car, même si le scripteur n’a pas d’interlocuteur, il a en général un ou plusieurs destinataires, qu’ils soient connus ou inconnus. Sauf dans le cas des écritures purement mnémotechniques – listes de courses ou journal intime –, nous rédigeons avec l’inquiétude subliminale que ce quelqu’un comprendra ou ne comprendra pas, aimera ou n’aimera pas, jugera notre production, s’il ne s’en moque pas franchement. C’est pourquoi écrire, c’est s’engager, c’est produire des énoncés qu’à un certain moment on ne pourra plus changer et qu’il faudra bien montrer. Ce côté irréversible est, selon P. Meirieu, une source importante de difficultés face à l’écriture d’un texte tant soit peu personnel.


Reste que cette rémanence de l’écrit a été vue de manière très positive par les spécialistes de la « littératie », qui ont vu dans l’invention de l’écriture une véritable « révolution pour l’intellect », ayant eu un impact profond sur l’histoire de la pensée humaine. Selon Jack Goody, Walter Ong, David Olson et quelques autres, l’écriture ne fait pas que transcrire un message : en en fixant la lettre, elle met en évidence les imprécisions et les contradictions qu’il peut comporter. Elle rend donc comparables et critiquables des énoncés qui auparavant ne l’étaient pas. Par retour, l’écriture aurait donc contraint les hommes à plus de cohérence, de rationalité et de précision. Tout en soulageant la mémoire, l’écriture a donc apporté de nouvelles exigences de rigueur, celles-là même qui rendent la formulation d’un texte écrit plus coûteuse en réflexion qu’un propos oral.


À part cette peine, l’écrit a toutes sortes de qualités et d’avantages, dont le premier est de circuler indépendamment de la personne qui en est l’auteur. Cette caractéristique intéressante est aujourd’hui concurrencée par bien d’autres technologies, numériques, ou non, qui nous permettent de faire voyager la voix et l’image. On a donc pu annoncer le déclin programmé de l’écriture. Or rien n’est moins sûr : jamais on a autant écrit que depuis qu’Internet, le courrier électronique et les SMS téléphoniques existent. Face à ce phénomène, deux explications bien différentes sont fournies. L’une, teintée de critique, affirme que cette écriture-là n’est plus ce qu’elle était : les messageries, par exemple, avec leur capacité dialogique en temps réel, en feraient une sorte de bavardage écrit. Quant aux SMS, ils seraient la ruine de la langue et de l’orthographe.


Mais tout cela ne justifie pas qu’on les préfère. L’écrit a des propriétés que l’on oublie souvent de considérer : celles de maintenir une distance entre un auteur et son lecteur, d’autoriser la réflexion et de ralentir les interactions. P. Meirieu cite un exemple frappant : celui d’un adolescent qui préfère de loin laisser un petit mot à ses parents disant « ce soir, je sors. Ne m’attendez pas », plutôt que de leur téléphoner ou d’attendre leur retour. En l’occurrence, l’avantage est simple : cela évite une discussion. Cette prise de distance par l’écrit a de nos jours des applications beaucoup plus larges et visibles. Le 22 août dernier, le journal Le Monde consacrait un article au boom des SMS et autres messageries : 10 milliards par jour de messages sur Facebook dans le monde, 280 SMS par personne et par mois en France. Les adolescents en écrivent 83 par jour, 2 500 par mois. Interrogées, de jeunes personnes expliquaient que ce n’était pas par économie, mais par préférence : moins intrusif, moins stressant que l’appel téléphonique, le SMS est en quelque sorte plus poli et presque aussi rapide que la parole. Une maman lui reconnaissait même les qualités typiques de l’écrit : « À l’oral, je peux bafouiller, chercher mes mots. Par écrit, je prends le temps pour être bien comprise. » Après tout, il n’est pas si difficile d’écrire. On s’y fera peut-être un jour."


Nicolas Journet, Sciences Humaines
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