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Diane Groseille

6 juin 2014

Magali.

On se croise sur un pont, je les vois arriver de loin mais je ne reconnais leurs visages que l'orsqu'ils passent à mon niveau. C'est lui, c'est Jules, j'identifie ses traits tirés, ses joues creuses, je le trouve fatigué, vieilli. Il est accompagné de sa femme qui porte dans ses bras un enfant. Je me dis à ce moment là qu'elle ressemble à la vierge. Lui ne me regarde pas, je sais par contre qu'il m'a vue, qu'il veut éviter mon regard, des paroles, une conversation...

Plus tard, je suis assise à la petite table d'un salon de thé situé en sous-sol, elle est en face de moi, elle me parle, détendue. Je la trouve jolie alors que j'ai toujours connu son visage chiffonné de contrariété et d'inquiétude. Elle se confie, elle me dit tout ce que je n'ai jamais compris, sur sa volonté d'éloigner Jules de tous ceux qu'il a connus. Elle me dit aussi à quel point elle a peur de moi. Elle a l'air soulagée. Je sens la sincérité de ses paroles, ce qu'elle n'a jamais su me dire. Tout semble alors transparent, évident.

Au réveil, je pense avoir compris, je me dis que c'est simple, puis tout s'évapore. Je n'ai pas vu Jules depuis septembre 2006. Je ne sais plus qui il est. Et même en rêve, il refuse de me parler.

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***

 

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4 juin 2014

La cabine.

Charlotte est amoureuse.

Ça remonte à quelques semaines. Une journée de septembre ensoleillée. Elle voulait prendre des nouvelles de son amie Clémence et s'était donc rendue à la cabine. Comme tout le monde, elle aurait pu se servir de son smartphone qui lui aurait permis de ne pas quitter sa chambre, mais à la maison, on lui avait refusé ce "caprice". A chaque fois qu'elle voulait entendre la voix de Clémence, elle sortait donc dans la rue, pas très loin, à quelques dizaines de mètres, et s'isolait dans la petite cabine vitrée, sans doute l'une des dernières de la ville à ne pas avoir été déboulonnée. Elle aimait ce petit habitacle en pleine ville, comme une bulle.

Puis un jour, sur le banc, de l'autre côté de la rue, alors que dans son oreille droite la voix de son amie se lamentait, elle l'a vu. Il était installé sur ce banc avec son ami en grande conversation. Bien sur, il ne l'a pas vue, il n'a même prêté aucune attention à sa présence. Mais depuis ce jour là, Charlotte fait tout pour sortir plus souvent encore, elle passe de longues heures dans la cabine et trouve de multiples sujets pour lancer son amie Clémence dans d'interminables conversations, ce qui lui laisse tout le loisir d'observer celui qui la fait vibrer. Parfois même, elle simule et n'appelle personne : elle mime simplement une conversation. Bien sur, il n'est pas toujours là, et c'est parfois un déchirement lorsqu'elle ne le trouve pas sur ce banc. Mais les jours où il est là, elle a l'impression que cela lui donne une énergie, une force pour affronter sa famille et ceux qui semblent ligués pour lui gâcher la vie. Elle voudrait trouver le courage de traverser la route et d'aller lui parler. Mais Charlotte est d'une timidité maladive. Et elle est tellement impressionnée par son charme qu'elle reste planquée dans sa cabine, de l'autre côté de la rue. 

Puis vient ce jour où elle prend son courage à deux mains. Elle a tout prémédité, elle s'est pomponnée et a réussi le matin même à obtenir l'autorisation de sortir en début d'après-midi pour téléphoner et aller se balader. Le repas de midi lui semble alors élastique, elle compte les minutes. On lui fait des remarques sur sa tenue, sur son maquillage, mais ça lui est égal. Vers deux heures, elle quitte la maison pour marcher calmement vers la cabine. Alors qu'arrive le coin de la rue, elle ferme les yeux pour se faire la surprise : il est là, assis au soleil, détendu et seul cette fois. L'occasion parfaite. Charlotte ne peut pas la laisser passer, il faut qu'elle aille lui parler. Et c'est donc de quelques mètres seulement qu'elle modifie son itinéraire habituel pour aller s'installer sur ce banc. En silence, elle observe la cabine juste de l'autre côté de la route dans laquelle elle ne rentrera pas aujourd'hui, puis ose enfin un "bonjour". Elle se sent tremblante, maladroite et idiote. Pourtant, naturellement, la conversation s'engage. Il s'appelle Pierre, il avoue vite avoir remarqué ses va et vient sur les jours précédents. Au début, il sourit mais ne tourne pas les yeux vers elle. Puis la conversation se tisse avec évidence et leurs regards se croisent, émus. Ils parlent d'eux, de leurs vies, de leurs familles, de leurs envies. L'heure tourne et quand Pierre se relève, les ombres s'étirent, il est déjà tard. Ils se séparent sans s'être touchés, avec la certitude de se revoir très vite.

C'est légère que Charlotte rejoint sa maison. Elle pousse la porte d'entrée et se dirige toute guillerette vers sa chambre. Elle reste bouche bée en y découvrant sa fille et ses trois petits-enfants venus ce dimanche lui rendre visite et sur le point de repartir après l'avoir attendue tout l'après-midi.

***

cabine

4 juin 2014

Le téléphone jaune.

Ou

Chronique d'une époque déconnectée.

téléphone

 

2000. Je travaille sur mon mémoire. A propos d'elle, entre autres. Postmodernisme et érotisme. Je cogite, je tourne les idées et les retourne. Je vis seule depuis peu. Dans mon grand loft au cinquième étage. J'ai une "vie de barreaux de chaise" comme dit alors ma mère. Je sors, je traine la nuit, dans des bars, dans des boîtes, avec des gens que je connais à peine, avec d'autres que je connais trop. Ensuite, je peux passer une semaine enfermée chez moi à travailler, à regarder la télé et à manger des coquillettes, à boire du café et à fumer. Je peux dormir toute la journée et travailler la nuit entière, sous la lumière crue de mon bureau. Les paramètres Espace/temps me bouleversent.

Dans mon appartement, il y a une poutre et sur cette poutre, j'ai fixé mon téléphone jaune. Mon seul téléphone. D'autres ont déjà à l'époque fait l'acquisition d'un "portable", entrant dans une révolution qui les dépasse déjà. Moi, je n'en veux pas. Lorsque je sors de chez moi, on ne peut plus me joindre. Je deviens un életron libre, coupé de toute connexion. C'est un choix, j'organise la vie autrement. C'était avant. C'est une équation que les moins de vingt ans ne peuvent pas comprendre.

Alors, parfois, lorsque j'attends un appel important, j'évite de sortir. Ou alors je sors vite. Je m'organise pour faire ce que j'ai à faire à l'extérieur le plus vite possible, mission commando. Et je rentre ventre à terre vérifier si on a appelé, si on a laissé un message.

Septembre. J'attends son appel. Ça fait trois jours que je n'ai pas bougé. Tout mon apparetment gravite autour du combiné jaune, il en devient le centre. L'idée même de prendre une douche et de ne pouvoir le décrocher s'il sonne me panique. Je me souviens que lorsqu'il m'appelle, sa voix est lointaine, éteinte, blanche. Il m'annonce qu'il viendra peut-être, je sais déjà, intimement, que tout basculera. Ce jour là, lorsque je raccorche le combiné sur son socle, un clic déclenche en moi une colère, une rage physique. Ce n'est pas à lui que j'en veux, c'est à moi, et à ce petit boitier jaune dont j'attendais tant. Je m'en veux d'avoir cru...

Un autre jour de cette même année. Le téléphone jaune sonne. Une voix de femme que je ne connais pas. Cest elle, l'auteur des écrits que je décortique depuis des mois. Elle me pose des questions, des dizaines. Je suis rongée par la timidité, l'émotion, l'incrédulité. Nous échangeons longuement et je lui promets de lui envoyer mon travail losrqu'il sera fini. Après avoir reposé le combiné jaune, des centaines d'autres questions me viennent. Jamais plus pourtant je n'entendrai le son de sa voix.

2000. Je commençais ma vie d'adulte. Quelques mois plus tard, je faisais l'acquisition d'un "portable" et internet entrait dans ce même petit appartement, me connectant à d'autres, à des personnes que je ne rencontrerai jamais. Aujourd'hui, je n'ai plus de téléphone fixe. Et je vis dans un monde dans lequel les gens téléphonent dans la rue, dans les trains, dans les supermarchés et choisissent le plus souvent de se "connecter" à d'autres lointains plutôt qu'à ceux qui sont juste à côté d'eux. Pour ma part, je résiste toujours, dans une moindre mesure, je refuse les tablettes et autres smartphones. Je choisis encore souvent de regarder les gens autour de moi, de croiser leur regard, quand ils veulent bien lever les yeux de leurs écrans.

3 juin 2014

Femme(S).

"La vie d'une femme c'est ça, c'est comme si tu prenais 50 meufs qui peuvent pas se blairer et tu les mets en collocation ! Où ça ? Dans ta tête !"

Nora Hamzawi

***

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2 juin 2014

Une sieste.

Allongée. Pièce obscure, rideaux tirés. Dehors, le vent se lève annonçant l'orage qui mettra fin à de longues heures trop chaudes. J'entends le bruit de la rue, de cette journée de semaine, moteurs et klaxons, voix sur un trottoir, échanges de banalités, cris aigus et excités de cour de récréation à deux patés de maison. Toute cette compote de bruits est étouffée par les voilages et les ombres de la chambre. Ici, presque le silence. Et qu'il est doux et précieux, alors que le dehors court pour répondre aux urgences du quotidien, aux injonctions de la ponctualité, aux exigences sournoises de la bienséance, de se laisser aller à la somnolence d'un moment creux, suspendu.

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2 juin 2014

Mieux, moins, moi.

On voudrait...

Moins d'écrans. A limiter, oublier, remplacer. Regarder ce qui n'est pas limité à quatre bords.

Manger moins, mieux.

Du sport, du yoga, s'essouffler, mieux connaître son corps, sentir ses muscles, ses articulations, ses poumons. Les airs, de l'air, mon air.

De rien.

Dormir, plus et encore, mieux. Lire, écrire, décomposer, créer, dessiner. De l'eau, des couleurs, des instantanés. A chaque moment, n'importe où, n'importe quand.

Parler, raconter, transmettre. Laisser une trace. Avoir le temps, le voler, le prendre, en priorité.

Rire et faire le vide. Ecouter, absorber, ce qui est autour, ce qui est dedans. Penser maintenant, ni hier, ni demain.

Et oublier parfois de respecter le programme, arrêter les exigences..

***

29 mai 2014

Ecrire.

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Je voudrais vous parler, longtemps, avec des mots qui ne seraient pas seulement des mots, mais qui conduiraient jusqu'au ciel, jusqu'à l'espace, jusqu'à la mer. J'entends ce langage, cette musique, ils ne sont pas étrangers, ils vibrent autour, ils brillent autour, sur les rochers et sur la mer, ils brillent au centre des villes, même dans les yeux des passants.
Comment parler? Les mots de cette musique viennent d'un pays où le langage n'existe pas, où le langage est scellé, enfermé en lui-même, est devenu comme la lumière, visible seulement de l'extérieur. J'attends le moment, j'attends le moyen. Cela va venir, cela arrive peut-être. Au bord des nuages, comme sur une dune de sable, un petit garçon inconnu est assis et regarde à travers l'espace (...)
Il est assis dans le ciel, comme sur une dune de sable, devant la mer, devant l'espace, et il regarde. Qui est-il? Je ne sais pas encore. Il n'a pas de nom. Il n'est pas encore tout à fait né (...)
Il n'a pas encore de nom. Peut être qu'il n'en aura jamais. Peut-être qu'il est né avec la musique, un jour, la musique libre des mots. C'est un enfant mystérieux, un enfant qui n'appartient à personne (...)

Écrire seulement sur les choses qu'on aime. Écrire pour lier ensemble, pour rassembler les morceaux de la beauté, et ensuite recomposer, reconstruire cette beauté. Alors les arbres qui sont dans les mots, les rochers, l'eau, les étincelles de lumière qui sont dans les mots, ils s'allument, ils brillent à nouveau, ils sont purs, ils s'élancent, ils dansent ! On part du feu, et on arrive dans le feu.
Je ressens le désir du réel. Trouver ce qui existe, ce qui entoure, sans cesse dévorer des yeux, reconnaître le monde. Savoir ce qui n'est pas secret, ce qui n'est pas lointain, le savoir non avec son intelligence, mais avec ses sens, avec sa vie.
Je ressens ce désir de réel avec tant de force qu'il me semble parfois que tous les autre désirs s'évanouissent. Je voudrais ouvrir les portes, les fenêtres, abattre les murs, arracher les toits, ôter tout ce qui me sépare du monde.
Je voudrais vivre dans un endroit tel que je pourrais voir sans cesse la mer, le ciel, les montagnes. J'ai faim et soif de chaleur, de vent, de pluie, de lumière. Les villes des hommes me gênent, les mots de hommes me gênent. Ils font obstacle à mon désir comme s'ils dressaient un écran devant le monde. Je voudrais retrouver les pays où personne ne parle, les pays de bergers et de pêcheurs où tout est silencieux, dans le vent et la lumière."


J.M.G. Le Clezio, L'inconnu sur la terre

23 mai 2014

Dix années d'écriture.

Il y a dix ans exactement :

Je débute ici. C'est ici que ça recommence. Je n'ai que peu de temps maintenant, j'en aurai plus ce soir. Je suis face à la bécane du taf. Va falloir que je file donner mes cours ailleurs. J'avais envie de balancer quelques mots sur la toile avant cette nuit, juste pour voir mes lettres au milieu de tant d'autres. Ce qui me fait peur ici, c'est cette profusion. Jamais connu ça sur le papier. Le temps me presse. Plus tard.

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19 mai 2014

De la nouveauté.

Une nouvelle petite venue à la maison, une petite copine pour Lu.

On a hésité longtemps et la voilà arrivée.

Drôle d'impression, c'est une nouvelle petite vie à protéger, à guider, à aimer.

2 avril 2014

Ménage de printemps.

J'ai changé le fond, un peu la forme. Puis j'ai comme d'habitude envie de revenir écrire plus souvent. Mais je trouvais le "lieu" un peu poussiéreux. Alors j'ai mis de l'ordre et du frais. Puis m'est venue l'idée de trier mes "liens". Toute cette colonne de droite sur laquelle je cliquais frénétiquement fut un temps. Drôle d'impressions... De constater que certaines pages n'ont pas changé, qu'elles continuent à avancer, ou qu'au contraire, elles se sont éteintes, épuisées. J'ai supprimé une bonne partie. Ça m'a fait comme de jeter de vieille boîtes pleine d'une correspondance passée. Je laissais ces liens inactifs ici, comme tous ces objets que je garde (ticket de métro, places de concert, mots doux sur une serviette en papier...), comme une trace de mémoire.

J'ai commencé à écrire ici il y a dix ans cette année. Le format était alors révolutionnaire. Mais dépassé aujourd'hui, par les réseaux sociaux et toutes ces communautés virtuelles bien plus avant-gardistes. Pourtant, je veux maintenir Diane en vie. Je lui trouve presque un charme et peu désuet.

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