Des vertes et des pas mûres.
Délicieux ! Il n'y a pas d'autre mot qui me vient pour décrire les quelques jours passés. Une chose est sure, je n'ai pas encore pris mon rythme de rentrée. Je me rends en classe en dilettante. Mes cours sont prêts, je fais bien mes devoirs mais je n'ai pas cette pression habituelle qui monte. Il y a une vraie douceur qui caresse ces dernières semaines estivales.
J'enchaine des sorties, de nouveaux projets, j'en reprends d'anciens, je remodèle, je motive les gens autour de moi. Tout est possible, on peut le faire. Je suis peu chez moi, je file à gauche et à droite, souvent sur les routes...
D'abord, mon escapade dans les Alpes. Une petite fuite en avant, et puis aussi en arrière, à y regarder de plus près. Pendant trois jours, l'insouciance d'être ailleurs, coupée de ma réalité. Et curieusement dans un univers qui m'est familier ou en tout cas qui l'a été. Retrouver des repères qui ne sont plus les miens. Comme j'ai déjà pu le dire j'ai joué à cache-cache avec moi-même, avec celle que j'ai été, qui a évolué là-bas et qui m'a poursuivie trois jours durant. Je ne pensais pas retourner là-bas, je ne m'y étais pas préparée, partie sur un coup de tête même si ça semblait prévu. Je ne m'attendais pas sur place à être ainsi bousculée par mon passé. L'accueil a cependant été des plus agréables. Comme si rien n'avait changé...
Puis à mon retour, j'ai retrouvé mon grand courageux, l'homme à la déclaration (quel contraste avec les mille questions : le doute face à la détermination), celui qui semble bien décidé à ne pas lâcher le morceau (ici, le morceau c'est moi). Je pensais avoir fait le nécessaire pour le dissuader. Notre premier rendez-vous s'était très bien passé (bien loin cependant de mes divagations). Tout ce qu'il y a de plus classique, des verres bus, des politesses échangées, un peu de timidité partagée, beaucoup de sourires et de regards qui en disent long. J'avais accepté de le voir pour l'écouter. Je pensais que ça tournerait vite en rond et qu'au bout d'une demi heure, il serait content de mettre les voiles. Il est resté deux heures et demi. Je retrouvais des amis ensuite pour une nuit de bringue, je crois qu'autrement, il serait encore resté. Après cela, malgré nos différences évidentes, il a multiplié les messages, plus gentils, tendres et provocateurs les uns que les autres. Impossible de se méprendre sur ses intentions... Même si je n'arrivais pas à savoir jusqu'où il serait capable d'aller. J'ai pris ça pour un jeu. Certes dangereux, mais après tout, plus pour lui que pour moi... Je l'ai revu mardi dernier, un peu dans le gaz à cause du manque de sommeil et des vadrouilles des jours précédents. Puis deux évidences se sont imposées au grand jour : c'est un ancien élève / il me plait. Que faire de ça ? Le laisser venir ? J'ai repensé à la valse de Stéphane, et j'ai décidé de danser...
Alors, quand il m'a dit "samedi, un ciné, ça te dit ?". J'ai souris et j'ai dit oui. Et samedi, il était là, avec ses grands yeux bleus toujours rieurs mais timides. On a bu quelques bières et sommes allés à la deuxième séance. Je n'ai rien compris au film. Inception. Une histoire de rêves piratés en plusieurs dimensions. J'aurais pu comprendre, si je n'avais pas bu tant de bières et si je n'avais pas été à ce point perturbée. Parce qu'il y a eu de belles interférences, tout d'abord, il a pris ma main dans la sienne. C'était si évident et doux que je n'ai rien dit. Il la prise contre lui et a glissé ses doigts tout le long de mon bras. Je sentais sa respiration et tout était tellement doux. Impossible d'essayer de comprendre ce que Leonardo Di Caprio trafiquait devant moi. J'ai tourné la tête plusieurs fois pour croiser son regard qui me disait, "je m'en fous de tout le reste, tu peux pas m'en empêcher". Puis bien sur, sa bouche est venue frôler la mienne, son souffle, ses lèvres si... Tellement... J'ai chaviré. J'avais dix-sept ans et tout pouvait s'effondrer, je m'en balançais. Que c'était bon ! Le film terminé, j'étais toute sonnée. Nous sommes allés chez moi, on a sorti Lu. On a fumé une cigarette et de retour à l'appartement, on s'est enlacés sur mon canapé comme deux adolescents qui profitent de l'absence des parents. Ses yeux étaient plus rieurs que jamais. De nous deux, c'était moi l'adolescente sans aucun doute. Une vague d'insouciance m'a ruiné le cerveau. Carpe Diem et rien à faire de tout le reste. Je lui ai proposé de dormir avec moi, ça aussi, c'était une évidence. J'en ai oublié qu'il avait été mon élève, qu'il était bien plus jeune, que nous n'avions que si peu en commun. J'avais envie de sa peau, de cette facilité qu'il me proposait, de toute cette tendresse gratuite, sans contre partie. Le petit matin est arrivé avec un appel de ma sœur qui devait débarquer vingt minutes plus tard et qui nous a sortis du lit en urgence. J'ai juste eu le temps de sauter dans un jeans, de l'embrasser encore sur le trottoir devant chez moi et il est reparti comme il était venu, me laissant les yeux cernés du bonheur d'une nuit presque blanche en sa compagnie.
Depuis, échanges de messages plus doux encore que
les précédents. Je suis consciente, même si je ne parviens pas à
prendre suffisamment de recul, qu'il ne peut rien y avoir de sérieux
entre nous. Je sais également qu'il a des sentiments pour moi (je suis
incapable de dire lesquels) ce que j'ai du mal à concevoir mais que je
respecte. Et dans ce contexte là, je ne voudrais surtout pas le faire
souffrir en profitant de la situation. Certains diront sans doute que
c'est déjà fait. Alors, je lui ai dit tout ça. J'ai essayé encore de le
décourager.De le prévenir en tout cas. Mais il reste aussi "motivé",
même en ayant entendu qu'il n'y aura rien de plus entre nous. Plusieurs
fois par jour, je découvre de petits messages sur mon portable. Juste
pour prendre des nouvelles, pour dire qu'il pense à moi, qu'il aimerait
être dans mes bras. Et derrière ces flots d'eau de rose, je
découvre que je n'ai jamais vécu ça. Cette période de séduction si
classique, si cliché, je ne l'ai jamais connue. Il y a toujours eu plus
de violence dans mes débuts d'histoire. Ici, je crois que c'est un
début qui ne peut mener nulle part, mais ce gars me plait : sa
spontanéité, son courage, son culot, sa peau, ses yeux, ses mains, sa
bouche... Chut !
Alors, je valse !
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