Ce matin, devant le passage à niveaux, ce petit garçon sur son vélo bleu. Son pied gauche calé sur sa pédale, avec une impatience propre à l'enfance. Il est juste devant le pare-chocs de ma voiture et je lis sa fougue sur son corps, sur ses doigts tout crispés sur son guidon. Il va foncer dès que la barrière se relèvera, et si elle se relève avant qu'il n'ait eu le temps de compter jusqu'à vingt, il aura une bonne note à son contrôle de maths, celui pour lequel il n'avait pas du tout révisé. Les barrières se lèvent. Et moi je comptais avec lui, sans savoir...
Et moi je compte pour qui ? Aujourd'hui en tout cas, je compte. Je ne sais pas pour qui, mais... Je compte jusqu'à 29 aujourd'hui. Vingt-neuf printemps. Vingt-neuf vingt-huit mars. Et une année de plus qui a filé derrière moi sans que je ne la voie passer. Un chiffre pas bien joli d'ailleurs. Un peu bâtard. Juste avant le trente, et impaire de surcroît. Je suis une grande fille, mais je suis toujours une enfant, parce que je compte aussi en attendant que les barrières se lèvent...