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Diane Groseille
10 février 2014

La salle des profs.

chaises-orange

Salle des profs : groupe nominal étendu composé d'un nom commun féminin singulier et de son complément, nom commun masculin pluriel. Le complément introduit par l'article partitif "des" (contraction de "de les") marque ici l'appartenance. La salle est aux profs. Cette appartenance est à comprendre comme un titre de propriété, elle exclut de fait logiquement tous ceux qui ne sont pas profs. On notera aussi l'opposition significative dans le groupe nominal entre singulier (l'unité "la salle") et le pluriel ("des profs")

***

La salle des profs est un écosystème. Les éléments le constituant développent un réseau d'échange d'énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la pédagogie et de la discipline. La salle des profs est un écosystème très particulier composé principalement d'individus enseignant mais qui précisément, n'enseignent pas lorsqu'ils s'y trouvent. Des individus d'autres types peuvent interagir avec eux ponctuellement et bousculer les hiérarchies établies. On notera par exemple l'intervention souvent perturbante du chef d'établissement ou encore les passages rapides de surveillants ou de CPE. Les enseignants y interagissent et établissent une hiérarchie qui peut être changeante et cruelle. La salle des profs est le plus souvent délimitée par quatre murs mais peut à l'occasion comprendre des annexes (type salle informatique ou espace détente) dans lesquelles la hiérarchie peut être aussi bousculée ou remise en question temporairement. On assiste souvent au sein de cet écosystème à des influences de domination ou de soumission et, cas fréquent et cyclique, à des parades de séduction. Il arrive ponctuellement que cet écosystème soit le lieu d'humilition de certains individus ou encore de violences verbales, voire (rares cas observés) physiques.

Dans la salle des profs, le tutoiement est de rigueur, le port de cartables et autres trieurs est imposé, le stylo rouge est dégainé plusieurs fois par jour, certains individus ont même envisagé la greffe. La plupart des individus présente des similitudes, mais ils se distinguent quand même sur certains points et correspondent à une typologie particulière. Notons la présence de plusieurs espèces particulières dans cet environnement, ci-dessous, une classification sommaire :

La pie : même si vous ne l'avez pas vue, vous savez qu'elle est là. Elle signale sa présence par un flot ininterrompu de paroles, souvent inconsistantes et presque toujours sans interlocuteur identifié. Son seul objectif : combler le silence et le vide par ses babillages. Aucune connaissance des notions de respect et de politesse. Qualités d'écoute inexistantes.

Le paresseux : animal de l'ordre des fonctionnarus faineantus, invertébré proche du mollusque, il saura par contre se montrer étonnamment vif au moment de la dernière sonnerie de la journée et vous donner l'heure précise puisqu'il n'est pas question qu'il perde une seconde de son temps pour du travail supplémentaire. On identifie sa tanière aux tas de copies en phase de biodégradation qui s'y accumulent. Notez qu'il vaut mieux brosser l'animal dans le sens du poil car il est souvent syndiqué et pourrait bien se montrer contrarié.

Le cochon : c'est à son oeil brillant et à ses regards en coin que vous identifierez cet énergumène. Il ne manque jamais le décolleté de la jeune TZR ou la jupe cigarette de l'assistante d'éducation. Méfiez-vous, il semblerait qu'en période printanière, il laisse traîner ses grosses paluches.

Le vieux singe : il est toujours là, il guette les entrées et les sorties, commente chaque déplacement et semble avoir pris racine dans l'écosystème. Son casier (qu'on peut considérer comme un nid) contient tous les éléments indispensables à sa survie : petits gâteaux secs (DLUO juillet 1993), stencils, tisane d'épilobe bio... Il saura vous dire tout ce qui se passe et peut même vous proposer un arbre généalogique et de rares images d'archive du lieu et de certains spécimens qui y évoluent encore, tels des fossiles. En voie d'extinction. Nota bene : il peut vous apprendre à faire des grimaces. 

La dinde : on reconnaît cet individu à ses gloussements et à sa naïveté. Dans un premier temps, cette espèce peut sembler attachante, mais il faut se méfier, elle peut vite se transformer en parasite ou vous voler dans les plumes sans que vous ne compreniez pourquoi. A noter : on observe des comportements identiques chez la morue et la buse (qui peut être trois à elle seule les bons jours).

La vipère : attention, spécimen dangereux, sournoise par excellence, elle vous mordra quand vous vous y attendrez le moins, juste après vous avoir dit "bonjour" ou "merci pour le café". Elle sait aussi cependant très bien cacher son jeu et préférera distiller son venin en votre absence, ce qui ne manquera pas de vous empoisonner la vie. L'attaque est souvent gratuite et cruelle. Comportement proche de celui de la teigne.

Le caméléon : peu impliqué dans la vie de l'écosystème, il fera tout pour s'y fondre discrètement et en éviter les vicissitudes, il sait filer et adopter des tenues de camouflage. On le remarque au fait qu'on ne le remarque pas. Il est même parfois difficile de le nommer.

Le blanc bec : titulaire depuis peu de l'agrégation, le blanc bec est un volatile qui aime à souligner qu'il a été tri-admissible, qu'il envisage "un retour aux fondamentaux" et une «révolution culturelle de l'essentiel». En cas de doutes, on peut l'identifier avec certitude à l'utilisation d'un jargon pédagogique particulier, notamment les formules "il faut savoir que" et "force est de constater" ou encore des termes tels que "didactisation", "sémiologie" ou "apprenant". Curieusement, avec le temps, cette espèce peut évoluer en blaireau.

 

 

 

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Diane Groseille
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