Dégout.
Y'a ces trucs qui sont dits au coin d'une table, un dimanche soir fatigué, devant une assiette de pot-au-feu. Une soirée improvisée avec des improvisateurs qui vient clore un week-end théâtral trop long, fatigant et décevant. Et ces mots anodins s'échappent de la bouche de mon interlocutrice, la blondinette. Des mots qui viennent sans le savoir mettre en évidence un énorme mensonge. Pas le sien et il est d'ailleurs sans importance de savoir qui, quand, où et pourquoi. Et dégoutée, épuisée, lassée, je laisse de grosses larmes rondes rouler sur mes joues. Nerveusement, je me dirige vers la fenêtre où j'allume une cigarette de rage. Je leur tourne le dos pour qu'ils ne voient pas ma fatigue. L'homme aux mille questions est là. Et je me dis à ce moment là, une fois de plus, que s'il ne devait y'en avoir qu'un, ce serait lui. Je sens bien que ma réaction met tout le monde mal à l'aise. Ils n'ont pas l'habitude de me voir comme ça. Je suis la fille forte, celle qui lâche rien, celle qui tient tout à bout de bras et qui se décourage pas devant la difficulté. Mais là, c'est trop. Ce n'est pas tant le mensonge, ni même son auteur qui me dérangent, c'est cette impression alors persistante d'avoir "pauvre buse" écrit en gros caractères sur mon front et ce depuis quelques semaines déjà.
Puis aujourd'hui, catastrophe. Le cumule de tout ce que je déteste et redoute. En montant dans ma voiture ce matin, j'étais déjà en retard et je laissais derrière moi un taudis. Mon horoscope auquel je ne prête d'habitude guère attention m'annonce une journée facile et pleine de bonne humeur. Je sais maintenant pourquoi je n'y prête pas attention. Je suis tombée vingt minutes plus tard dans un bouchon phénoménal. Puis la première classe que je vois ce matin me fait sortir de mes gonds : sur les quinze présents, pas un seul n'a fait le travail demandé. Zéro pour tout le monde et zéro fois quinze, ça fait toujours zéro. La bonne idée me vient à la pause de consulter mon compte en banque : mille euros de découvert et toutes les traites citées plus tôt ne sont toujours pas payées. A midi, je pars errer dans les rayons d'un supermarché. Je me contente du minimum : quelques rouleaux de PQ, un filet d'oranges, de la lessive. Voilà des semaines que je n'ai pas pu faire de vraies courses. En passant à la caisse, j'ai des larmes dans la bouche en repensant aux propos de la veille, à la trahison et à ma naïveté. Dans l'après-midi, je voulais diffuser Harrison's Flowers à mes Bac pro qui travaillent en ce moment sur le journalisme. On me dit que la prise péritel est foutue. Je me laisse pas démonter, il me reste dix minutes pour en acheter une au supermarché du coin. Mais il se trouve que c'est en fait la sortie péritel de la télé qui est morte. Achat inutile, il va falloir trouver une autre solution. Alors, on panique pas, on va tenter avec un PC et un vidéo projecteur. Mais quand je veux sortir le DVD déjà installé dans le lecteur, celui-ci reste bloqué à l'intérieur. Je confie finalement l'engin au directeur, qui sera obligé de mettre un coup de tournevis pour le récupérer. Nouveau contre temps, on a plus le code du PC en question. Personne n'est foutu de me retrouver ce code. Pendant ce temps là, impro oblige, j'ai installé mes loulous dans une salle info et ils font des recherches sur un journaliste célèbre de leur choix. N'importe quoi ! Puis quand on finit pas retrouver le code, on réalise qu'il n'y a pas de sortie son ! On arrive finalement à lancer le film deux heures après l'heure prévue... Puis il y a une demi-heure, alors que mon cours marathon vient de s'achever, ma mère au téléphone qui m'annonce que mon oncle est mourant, il n'en a plus pour longtemps, il faut qu'on s'y prépare. Sinon, j'ai aussi pété ma thermos, foutu trois fois mon téléphone par terre et je me suis pris une châtaigne et tirant sur un câble. Puis il n'est que dix-huit heures, alors j'hésite à monter dans ma voiture, je voudrais juste me téléporter dans mon lit.
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Edit : journée qui se termine par des larmes, encore, celles de la fatigue nerveuse que je ne maitrise plus.