Le fil tendu de la vie.
Dimanche matin, alors que nous étions en plein rangement du garage, une vieille petite dame débarque dans le hall de l'immeuble, juste à côté de nous. Guidée d'une canne, elle semble préparée pour une occasion toute spéciale, bien habillée et toute fraîche, son joli visage très clair bien maquillé. Elle tourne en rond un petit moment, puis nous fait signe. Je ne comprend pas tout de suite ce qu'elle veut. Elle me dit qu'il n'y a personne. Je lui demande, "Vous vous rendez chez qui ?". Le cabinet dentaire. Moi, je sonne bien fort sur le bouton qu'elle me montre du doigt, parce que je me dis que notre plate-forme sonnettes n'étant pas en grande forme, ça vient forcément de ça. Puis, mon cerveau amorphe du dimanche matin réagit. "Madame, vous êtes sure que vous avez rendez-vous aujourd'hui ? On est dimanche". Un ange passe, je vois ma petite dame plongée dans une obscure réflexion. Puis avec aplomb "ben voui, j'ai rendez-vous le 19". Vérification faite auprès de Neb homme de moi juste à côté dans le garage. "Ben non, Madame, on est le 18, vous avez rendez-vous demain matin". J'ai lu un désespoir terrible dans ses yeux à cette révélation. Non pas qu'elle tenait absolument à son passage sur le siège du dentiste, mais elle était face à son erreur. Et elle m'a juste dit "Il ne faudrait pas vieillir". Et comme je la voyais, si triste et toute tremblotante, prête à repartir avec sa canne d'où elle venait, je me suis proposée de la déposer chez elle en voiture. Je suis restée sur cette impression de panique alors que je l'aidais à descendre, une fois arrivées devant chez elle. La panique qu'on peut ressentir quand la vie vous échappe, trop rapide, trop fluide.