Le Pooh.
Soirée chez elle hier. Que c'est bon d'être à ses côtés. Je suis
heureuse de la voir aller mieux ces derniers temps. Sa solitude lui est
toujours douloureuse, mais elle se bat avec son sens de l'humour. Mon
Pooh vit sur une autre planète: l'univers des princes charmants, des
mariages somptueux, de la dentelle, des épisodes de friends
et de la forêt des Rêves bleus. Dans son monde, chaque chose doit être
parfaite et surprenante, tout doit s'imbriquer parfaitement dans une
sorte de quotidien romantique millimètré. Le Pooh connaît donc
régulièrement des contrariétés. Parce que son monde n'est pas forcément
compatible avec le vrai monde. Alors elle saute de l'un à l'autre,
comme une gamine qui sauterait sur une marelle. Elle est émouvante, d'y
croire toujours, de s'accrocher à son destin qui sera comme elle le
rêve. Finalement, le Pooh veut juste être heureuse, être aimée, avoir
droit à sa part de bonheur et elle a tellement raison d'y croire.
Lumière
jaune dehors. Il y a eu de l'orage cette nuit. Le Pooh m'a annoncé hier
soir sans le savoir une grande nouvelle. Elle me parlait d'une de ses
collègues qui était tombée folle amoureuse d'un type marié. Ses yeux
brillaient quand elle me disait à quel point cette relation semblait
fougueuse. Puis elle me parle de l'infidèle. Elle me dit où il vit, où
il travaille me demandant bien entendu la plus grande discrétion. Je reconnais le portrait de F., mais ce n'est pas
possible puisque lui et sa femme filent le parfait amour depuis le
lycée. Je les ai connus en centre de vacances il y a des années. Ils
ont été pour moi des référents alors que j'étais toute jeune. Référents
dans le domaine de l'animation, mais aussi modèles pour ma vie
sentimentale à venir: une telle complicité, la facilité de se
comprendre, la tendresse, le partage. Alors hier soir, il a fallu que
je sache. Elle a laché le prénom, oui, c'est lui. La nouvelle me laisse
un goût amer dans la bouche, comme si c'est moi-même qu'il avait trahie.