Apesanteur.
Une journée à rien faire. Ou plutôt à faire tout ces petits riens qu'on a jamais le temps de faire. Avec au-dessus de moi toute la journée l'idée qu'il faut en profiter, que tout peut s'arrêter comme hier, comme tous les jours. J'ai encore vu ces images et je les vois même quand la télé est éteinte. Ce sont toujours les mêmes images auxquelles il ne faudrait pas s'habituer. Et il y a des phrases autour de moi qui résonnent...
"c'est con à dire, mais ça devient banal"
"pff, encore"
"on n'est presque plus choqué, on s'habitue"
"tant que c'est pas chez nous"
"et ils vont de nouveau nous emmerder avec leur plan vigipirate"
.....
Puis demain ce sera déjà moins grave que
hier. Les Anglais semblent forts, ils ne montrent pas cette douleur qui
doit les gagner, ce serait reconnaître la force de l'autre. Qui au fait? Et pourquoi?
Je
ne suis pas sortie. Et plusieurs fois dans la journée, j'aurais aimé.
Aller à la bibliothèque, fouler les trottoirs de ma ville, zigzaguer
dans les rayons des boutiques soldées où je n'achèterai rien, prendre
mon vélo et me sauver hors de la ville.
J'ai repensé à cette
réunion-bilan de fin d'année mercredi matin. Perte de temps. Ce n'était
pas un bilan mais un monologue. J'ai été soufflée par la mauvaise foi
de notre directeur face à la colère de P. qui a explosé vers midi et
quart après quatre heures de blabla sans pause et une esquive soignée
des VRAIS problèmes. Il m'a dégouttée. Il a fait une démonstration de
force face au groupe qui était à vomir. Se braquer pour ne pas
reconnaître ses erreurs. J'ai eu honte pour lui. Une fois l'orage
passé, j'ai pris la fuite pour ne pas entendre les commentaires des
autres collègues entre deux portes ou devant un lavabo. J'avais appuyé
P. devant le groupe, car je trouvais ses revendications fondées et
justes. J'ai aimé sa colère et l'explosion de ses mots contre les murs
de la salle où, jusqu'alors nous somnolions tous. J'ai revu P. Et R.
depuis, dans un contexte plus convivial, plus détendu, entre nous. Je
sais qu'il a raison, que ses préoccupations sont vraies et fortes. Et
il a réussi, sans le vouloir, à remettre réellement en cause ma
présence au sein de cette équipe. La structure pédagogique est bonne,
mais c'est notre direction qui n'a pas les n'a pas ciblé les bons
points et nous ne sommes finalement que des pions au milieu de tout ça:
Argent, Réputation et Carrière. Tête de Briques en particulier me
répugne. Voilà plusieurs mois que je ne l'ai pas vu esquisser un
sourire. Elle grogne presque avec les gens qui passent près d'elle.
Elle ment, elle est vulgaire et hypocrite, sournoise et méchante. Je ne
comprends pas comment cette femme peut occuper un tel poste en toute
impunité. Mais la complicité qui grandit entre P., R. et moi me donnera
peut-être le courage et la motivation pour continuer.
Ma
décisison est cependant prise sur un autre plan. Je complète ma licence
l'année prochaine par une mention FLE dispensée par le CNED et
partenariat avec l'université de Grenoble. J'aurais mieux fait de faire
ça tout de suite au lieu de partir vers ce DEA de littérature comparée
qui ne m'est toujours d'aucune utilité, si ce n'est la porte ouverte
vers une thèse plus tard.
Déjà dix sept heures. Neb va
rentrer. Ce sont mes premières vraies vacances depuis que nous sommes
installés ici. Je vois passer le temps autrement...