Portrait.
Elle s'appelle N. C'est une de mes élèves. Une parmi 300. Elle a vingt quatre ans. Je lui en donnais seize avant de le savoir. Elle a un visage de petite fille. Il n'y a pas de papier peint là où je travaille, mais s'il y en avait, elle trouverait des vêtements assortis pour qu'on la voit encore moins. Un caméléon. Faudrait qu'on ne la voit pas. Je pense que c'est pour cette même raison qu'elle est si fine. Je réalisais à quel point elle était maigre cet après-midi alors qu'elle était assise juste devant mon bureau, en situation d'examen. N. a des mains très fines, ses bagues semblent vouloir s'envoler à chaque mouvement. Elle a déjà du les perdre souvent. Ses mains s'agitent au-dessus de sa feuille, avec comme une perfection dans son écriture trop régulière. Ses doigts crispés sur sa plume. Son corps est en permanence emballé dans de larges pulls, elle se glisses dans ma salle de cours comme un lynx et va se blottir sur une chaise à l'abri des regards. N. est jolie, ses cheveux tirés en arrière, son regard un peu perdu. Elle rougit toujours quand je l'interroge, pourtant elle sait toujours répondre.
Voilà deux ans que N. suit mes cours. Je pense que c'est celle qui a suscité le moins de remarques, d'observations, de réflexions, de remises en questions. c'est pourquoi aujourd'hui, en l'observant, si appliquée devant moi, je me suis dit qu'il fallait que je parle un peu d'elle, pour me faire pardonner. Mais sans doute qu'elle n'aimerait pas que je parle d'elle. Alors elle ne s'appellera que N.